Former aux humanités numériques, les THAT Camps
Entre le désir de formation aux humanités numériques et la réalité, l'écart semble se réduire depuis deux ans. La preuve d'un THATCamp à l'autre, de 2010 à 2015. Des découvertes cohérentes.
Publié le 11 juillet 2015 Mis à jour le 11 juillet 2015
Les pédagogues dont on aurait envie de faire le portrait sont nombreux. Le nombre de publications et de mentions de femmes pédagogues en revanche, n’est pas vraiment proportionnel à leur nombre et encore moins à la qualité de leurs travaux.
Bien des femmes pédagogues mériteraient un rappel (n’hésitez pas à lire l’ouvrage de Jean HOUSSAYE, «Femmes pédagogues» à ce sujet), et j’ai choisi celle qui ne figurait pas dans mes premières recherches. Merci à Denys Lamontagne, directeur de Thot Cursus, d’avoir mentionné Pauline Kergomard dans ses conseils. Un peu de féminisme et de régionalisme primaire ne font de mal à personne de temps en temps : Pauline Kergomard, grande femme pédagogue est née à Bordeaux, jolie ville française de province depuis laquelle je publie ce portrait. Mon choix est fait.
Bonne lecture.
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L’école aujourd‘hui commence dès la petite enfance; cela n’a pas toujours été le cas. Assez peu considérée dans certains pays, ‘la maternelle’, comme nous l’appelons en France, est le lieu où se posent les fondations de ces futurs adultes. L’école ne peut véritablement se transformer que si l’accent est mis sur ces cruciales premières années. Depuis longtemps, scientifiques et pédagogues insistent sur cette période déterminante pour la suite, Vygotsky, Piaget, Bruner et bien d’autres ont largement mis en évidence les étapes du développement de l’enfant.
Pauline Kergomard a donné à nos écoles maternelles en France, le nom qu’elles portent aujourd’hui. Bien au-delà de ça, elle a observé et proposé une vision du développement de l’enfant que l’on retrouve dans biens des propositions de nos contemporains. Avant d'envahir nos écoles de tablettes avec des "jeux éducatifs", prenons le temps de reconsidérer ‘les bases’. Soyons assez humble pour admettre que, bien souvent, nos concepts ‘innovants’ sont largement inspirés d’observations vieilles de plus d’un siècle qui méritent d'être relues (et respectées). Voici un rapide portrait de la vie et de l’œuvre de Pauline Kergomard : une leçon de pédagogie et de bienveillance qui date de l’époque Jules Ferry…
Née en 1838 à Bordeaux, Pauline Kergomard est issue de la grande famille girondine des Reclus. Orpheline de mère, elle est élevée par son oncle et sa tante de 13 à 15 ans à Orthez. Cette période aura une grande influence dans sa vie. C’est dans l’école de sa tante qu’elle découvre les fondements de sa propre vision de l'éducation, et dans la conception religieuse de son oncle pasteur qu’elle trouve le socle de sa propre morale.
A 18 ans, elle devient institutrice privée. Cinq ans plus tard, elle s'installe à Paris et épouse, en 1863, Jules Duplessis-Kergomard, qu'elle rencontre dans les milieux anarcho-républicains. Elle tient une école privée et devient la directrice de ‘L'Ami de l'enfance', revue pour les salles d'asile.
En 1879, elle a alors 41 ans, sous le conseil de Ferdinand Buisson, Directeur de l’instruction primaire, elle passe et réussit l’examen d’aptitude à l’examen des salles d’asiles.
Pauline Kergomard publie à cette époque de nombreux ouvrages sur l’éducation, et devient inspectrice des écoles maternelles. Influencée par Rousseau, sa conception de la direction des salles d’asiles est aux antipodes de celle des congréganistes qui les dirigent alors. Trente années d’inspection dans près de 650 écoles lui auront permis de fournir des rapports appuyés sur des observations précises et de mener son combat pour une école accordant liberté et respect à l’enfant qui la fréquente.
On retrouvera, entre autres, dans les fondements de sa pédagogie des éléments communs avec la pédagogie de Maria Montessori ou Célestin Freinet.
Le contexte social de la seconde partie du XIX° siècle donne naissance aux ‘salles d’asile’. Ancêtres de nos écoles maternelles, ces salles d’asiles ont été mises en place afin de prendre en charge tous les enfants en bas-âge dont les mères œuvrent dans les usines des premières industries en France. La fonction première de ces salles d’asile est donc sociale.
Plusieurs circulaires précisent pourtant les intentions pédagogiques de ces salles dont « les notions élémentaires de la lecture, de l’écriture ou du calcul verbal ». Fréquentées en 1867 par plus de 400 000 enfants, ces salles sont uniquement dirigées par des femmes jusqu’en 1977.
Prises en charge par l’état à partir de 1837, elles ne seront rattachées aux établissements primaires que plus tard dans une loi de Jules Ferry. En 1881, Pauline Kergomard est elle-même nommée inspectrice des écoles maternelles. Elle a alors, entre autres, la responsabilité de la formation des directrices d’école de la petite enfance.
C’est à Pauline Kergomard que l’on doit leur nomination définitive de ‘salle d’asile’ en ‘école maternelle’. Son intention est alors de transformer ce lieu d’accueil à connotation charitable et donc excluant toute mixité sociale, en un espace d’apprentissage permettant à toutes les catégories sociales de se côtoyer.
Les grandes difficultés qui émergent de cette mixité dans les écoles soulèvent bien des désaccords quant à la prise en compte ou non des conditions de vie de chaque enfant. Pauline Kergomard se positionne clairement. Elle adhère à l’école de Francis Bacon selon laquelle il n’existe pas de déterminisme génétique mais bien un déterminisme social
"L’enfant se façonne avec une facilité merveilleuse, d’après le milieu dans lequel il vit. Voulez-vous qu’un enfant soit musicien, faites-lui un milieu musical […]"
Pauline Kergomard insistait à l’époque sur l’importance du respect de la nature de l’enfant en opposition à ce qu'elle pouvait observer.
« L’enfant […] était regardé comme un être destiné à recevoir autoritairement, en masse, sans tempérament ni nuances, une certaine quantité de notions intellectuelles et une non moins lourde quantité de notions morales ; quant à préparer le terrain avant de le soumettre à cet ensemencement inconsidéré, on n’y avait point songé. »
Ce que l’on voit poindre aujourd’hui dans les pédagogies alternatives et qui doucement pénètre nos écoles, était déjà pointé du doigt il y a plus d’un siècle. Si les systèmes éducatifs modernes ont récemment évolués dans les modèles de transmission des savoirs, il reste encore bien des efforts à faire quant à la préparation de l’environnement…
Alors inspectrice, Pauline Kergomard, n’hésite pas à corriger et contredire les circulaires de l’époque et s’astreint à former les directrices selon les préceptes suivants :
Pauline Kergomard quitte son poste d’inspectrice générale des écoles maternelles en 1917, les décrets et rapports qui ont suivis montrent l’importance de son passage et la haute considération de son travail.
Dans son ouvrage sur « Le système préscolaire selon Pauline Keromard », Elise Terdjman termine en insistant sur l’importance de la maitrise de la psychologie infantile pour Pauline Kergomard. Point de bonne pédagogie sans observation, point de compréhension sans psychologie.
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