La littératie numérique est un thème d'actualité. Faut-il savoir coder, aborder l'information avec un esprit critique, brancher des équipements ou savoir utiliser et combiner de nombreuses applications... "Tout ça, et sans doute plus" me répondrez-vous.
Et pourtant, il faut aussi «ne pas savoir faire» et savoir se mettre en retrait quand les questions techniques émergent...
La matrice d'Eisenhower nous enseigne à différencier ce qui est important, et ce qui est urgent. Elle nous invite à éviter toutes les urgences qui nous empêchent de nous focaliser sur ce qui est important et nous poussent à toujours remettre à plus tard ce qui est stratégique. Si vous n'êtes pas technicien, les problèmes techniques, les pannes, les connexions font partie de ces éléments urgents, mais pas importants. Il est indispensable que quelqu'un s'y colle, si on veut avancer sur ce qui est stratégique. Et si quelqu'un est particulièrement bon, il risque d'être désigné systématiquement !
Par conséquent, vous savez que vos compétences numériques sont trop appréciées si :

...Avant d'appeler un technicien, vos collègues font appel à vous.
Le temps passé à résoudre des problèmes techniques est souvent du temps perdu pour la carrière. Et même si certaines compétences informatiques et numériques sont indispensables pour que l'entreprise fonctionne, il faut être prudent, très prudent avant de démontrer qu'on les maîtrise.
Eric est chef de produit dans une entreprise. Sa direction marketing a prévu des effets sonores et multimédias pour le salon où les commerciaux rencontrent leurs partenaires. Le livreur a déposé le matériel, il faut tout brancher. Eric est le seul à avoir quelques idées, et ses collègues le pressent. Et le voilà donc à genoux dans les fils, à tenter de résoudre ces questions de câblage. Pendant ce temps, les collègues rencontrent des clients, sympathisent, créent du lien et parlent contrat. En fin de journée, quand on fait le bilan, tout le monde a oublié l'incident technique, mais les résultats d'Eric ne sont pas bons...

...Quel que soit le projet, on vous place devant un écran.
Dans un projet collectif, la répartition des rôles va se faire selon les compétences présumées des uns et des autres. Si les compétences techniques et informatiques sont les plus rares, elles seront confiées d'autorité à ceux qui les maîtrisent. Aux collègues de se répartir les autres aspects du projet, l'organisation, la communication, et d'autres activités visibles. Ecoutons Eric Nhume.
"Pour notre assemblée générale, nous avons fait un film en interne pour présenter notre projet d'entreprise de manière concrète. Chaque responsable de gamme ou chef de produit a témoigné des perspectives et des changements à venir.
Faute de budget, nous avons tourné et monté la vidéo en interne. Et spontanément, j'ai été désigné pour m'occuper de la régie et du montage. La prise de vue, le montage numérique, le traitement des voix... un travail impeccable. Sauf que le collègue qui m'a filmé m'a cadré trop haut. Pas le temps de faire une deuxième prise, et je ne suis donc pas sur la vidéo. J'y ai passé des soirées, mais je suis le seul chef de produit que le conseil d'administration ne connaît pas...

Alors bien entendu, quand il a fallu trouver des chefs de gamme... Je n'étais même pas dans la première liste !"
Vos collègues vous attribuent des goûts et des références culturelles
On vous voit souvent concentré sur des outils, des applications ou des équipements auxquels personne ne comprend quelque chose. Vos collègues vous imaginent une vie de geek, avec une culture faite de super héros, de mangas, de déguisements et de jouets collector. Régulièrement, pour vous remercier d'avoir résolu un problème de visual basic ou de PHP, vous retrouvez des figurines en plastique près de votre clavier.

Vos collègues imaginent que la technologie, c'est toute votre vie
Au détour de conversations, vous remarquez que dans votre entreprise, personne ne vous imagine une vie privée sans écran. De même que les clichés veulent que si vous êtes calé en informatique, vous êtes fan de star wars... ils associent aux passionnés du numérique des vies renfermées. Si vous êtes capable de programmer directement sur un éditeur de texte comme Notepad, vous vivez sans doute encore chez vos parents.

Bien entendu, cet article est volontairement caricatural. Les compétences numériques sont de plus en plus utiles et valorisées. Mais cela vaut la peine de s'interroger sur les compétences que nous rendons visibles. Si la résolution de problèmes techniques se range dans la case "urgent/pas important", il est préférable de ne pas être identifié que par cette compétence. C'est la leçon d'Eric Nhume, dont vous aurez compris qu'il n'existe pas vraiment.
Dans un article célèbre, Oncken parle des "singes sur l'épaule" pour évoquer ces responsabilités qui passent d'une personne à l'autre, au détour d'un couloir, le plus souvent dans un cadre hiérarchique.
La fonction Excel qui plante, le fichier SCORM qui ne renvoie pas les informations pertinentes, le conflit entre deux pilotes sont autant de "singes" qui passeront très vite sur votre épaule si votre réputation informatique est forte !
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