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Publié le 14 mars 2017 Mis à jour le 14 mars 2017

Le numérique en formation. Oui, mais pour changer quoi ?

Trois analyses de l'utilisation des technologies numériques en formation

Utiliser les outils numériques en formation, tout le monde le fait. Mais la place que ces outils occupent dans les dispositifs varie énormément. S'agit-il de faire la même chose avec d'autres moyens, ou de construire des situations d'apprentissage que seule la technologie rend possible ? S'agit-il juste de recherches sur Internet, ou les apprenants utilisent-ils la technologie pour produire, collaborer et se motiver ?

Nous vous présentons trois modèles qui aident à définir le rôle du numérique dans une formation.


L'approche SAMR

L'approche SAMR de Ruben Puentedura montre que l'adoption des technologies peut prendre différentes significations. On peut se contenter de reproduire avec l'informatique ce que l'on faisait sans. Mais on peut aussi innover, en changeant les rôles entre formateur et formés, en ouvrant la formation sur l'extérieur, ou encore en individualisant.

Substituer

"Est-ce qu'on innove, ou est-ce qu'on est juste en train de numériser de la formation traditionnelle", se demande Beth Holland dans un article. Utiliser les outils informatiques, ça peut être faire la même chose avec des outils plus modernes et parfois plus coûteux. Parmi les exemples de substitution, on peut citer :

  • Abandonner le cahier de texte papier pour un cahier de texte numérique. - Ne plus écrire les consignes sur un tableau, mais sur une plateforme commune,
  • Demander aux élèves de taper leurs écrits et de les envoyer par mail, quand on ramassait des copies il y a quelques années.

 "Les étudiants restent les consommateurs d'un contenu organisé par le professeur, plutôt que de devenir des créateurs de connaissance dans un contexte qu'ils peuvent réellement contrôler" nous dit Beth Holland.

Augmenter

La technologie va permettre d'augmenter l'efficacité du travail et d'aller plus loin. Le correcteur orthographique, les outils de surlignage ou de mise en page en font partie.

L'enseignant distribuait trois documents sous forme de photocopies, il installe maintenant des liens vers de nombreuses ressources. Le schéma autrefois statique s'anime sur l'écran. Une retranscription d'une intervention est remplacée par la vidéo de l'événement. C'est plus de la même chose, mais aussi plus esthétique, plus attractif...

Les élèves répondent à des questions sur leur tablette, et reçoivent un retour immédiat. La correction s'intègre dans le cours.

Modification

La tâche va être effectuée différemment. Par exemple, plutôt que rédiger une réponse individuelle, on la construit sur une application collaborative, de type framapad ou Google drive. Elle est ensuite commentée en direct par les pairs et par le formateur.

synthese du modèle SAMR

Redéfinition

L'innovation pédagogique se traduit par une redéfinition des rôles des apprenants et des formateurs ou une manière différente de travailler entre formés, ou encore une ouverture de l'école vers l'extérieur. On change les rôles et les positions, pas juste les situations d'apprentissage.

À travers des forums, des outils de travail collaboratifs ou des applications de conception partagées, les élèves produisent et coordonnent des parties du cours. Le formateur n'apporte plus l'ensemble des contenus.

Dans notre exemple, la redéfinition consisterait à construire une réponse collective avec des documents conçus et rédigés par les apprenants, de supports visuels (piktochart, canvas,...) de courtes vidéos, etc.


ASPID

Thierry Karsenti propose l'acronyme ASPID, pour adoption, substitution, progrès, innovation et détérioration. Son apport ? Montrer qu'il y a un temps d'adoption qui nécessite des efforts, et que parfois, les nouvelles technologies sont synonymes de recul pour la pédagogie !

L'adoption

L'adoption correspond aux premiers moments de l'utilisation d'outils technologiques dans la classe ou dans la salle de formation. Le temps d'apprentissage pour l'enseignant est une période pendant laquelle il consacrera plus d'efforts pour atteindre un même résultat. Ce temps passé à l'intégration de la technologie se fait aux dépens de l'évaluation ou de la préparation des cours eux-mêmes, et donc au détriment des élèves.

Détérioration ou substitution

Dans un second temps, le modèle propose deux orientations. Il peut y avoir détérioration : l'utilisation de la technologie ne fait que renforcer les lacunes et les limites de l'enseignement, et la situation est pire pour l'élève. Il peut aussi y avoir substitution : les technologies permettent de faire la même chose, sans qu'il y ait de changement réel pour l'apprenant.

Le courage et la nouveauté de ce modèle tiennent en ce qu'il admet qu'avec la technologie, les choses peuvent être pire. Contrairement au SAMR qui situe le premier niveau à un statu quo où rien ne change réellement, Thierry Karsenki montre que la technologie peut aussi apporter une moins-value à l'acte d'enseigner.

Progrès et innovation

Mais l'impact peut être positif, et dans ce cas il y a progrès. La technologie permet de mieux faire, et plus efficacement, ce que l'on faisait précédemment.

Enfin, il y a innovation lorsque la technologie permet de proposer des activités nouvelles, où les rôles des formateurs et enseignants ne seront plus les mêmes, et qui entrainera un engagement plus important des apprenants.

Le compte Twitter de Thierry Karsenti attire notre attention sur une webradio à St-Fabien, qui devient une situation d'apprentissage https://t.co/s6sy9pedpw 

Françoise Cahen explique comment elle est passée d'un "spectacle de powerpoint" à un diaporama complété avec le groupe, au fur et à mesure de ses cours de français, puis à l'utilisation de Padlet dans son article : Lecture analytique et vidéoprojection : du diaporama-spectacle à l’interaction collaborative


Le modèle IMAIP

Le modèle proposé par Marcel Lebrun ne concerne pas directement le processus d'adoption des outils numériques. Il nous ramène à certains principes essentiels en formation. L'acronyme qu'il propose est IMAIP pour information, motivation, activité, interactions, production.

Information

Dans la formation, des informations sont transmises. Elles ne se confondent pas avec la formation, mais elles font partie de sa matière première.

Les informations peuvent être apportées par l'enseignant. Elles sont maintenant disponibles aussi via les moteurs de recherche, les outils de curation comme Scoop-it ou Diigo et même les réseaux sociaux. Thot a déjà consacré quelques articles à la veille sur Internet dans le cadre de formation, et à cette compétence devenue essentielle : aborder l'information avec un esprit critique.

Activité

Mais se former n'est pas simplement rassembler ou indexer de l'information. Il n'y a formation que si cette information est remise en forme, "malaxée" comme le dit Marcel Lebrun. Le numérique n'est pas nécessaire non plus. Les apprenants peuvent très bien produire des schémas, des posters, des dissertations sans écran ni clavier. Mais de nombreux outils permettent aussi de triturer cette information, de se l'approprier et d'agir sur elle. Certains Moocs commencent par demander aux inscrits de créer un blogue. Des apprenants participent à des padlets, créent des visuels sur Piktochart ou Canva. Les outils du TICE regroupent un grand nombre d'applications qui peuvent être utilisées dans des activités d'apprentissage classiques, ou les rendre possibles.

Production

Enfin, Marcel Lebrun nous parle de la "production". L'activité doit viser une production. On pense au chef d’œuvre des apprentis, qui réalisent des maquettes admirables, et qui peuvent ainsi montrer de quoi ils sont capables. Plus modestement, un film, une présentation de type Prezi, un exposé ou une rédaction sont des productions. Les outils numériques permettent de varier ces réalisations, et parfois de les rendre impressionnantes.

SAMR - Marcel Lebrun - 3 éléments

Mais il ne s'agit pas de demander aux outils de tout résoudre. Marcel Leburn insiste sur l'alignement entre les objectifs, les informations utilisées, les activités et les productions. Cet alignement, cette cohérence sont nécessaires pour qu'il y ait formation.

alignement - modèle SAMR - Marcel Lebrun

Nécessaire, donc, mais pas suffisant. Marcel Lebrun nous dit qu'il faut des "manivelles" pour que l'ensemble fonctionne et que les roues dentées se mettent à tourner. La première manivelle concerne la "motivation". De nombreuses listes existent, et le numérique associé à la ludification a contribué à cette réflexion sur ce qui peut motiver un apprenant.

les manivelles du IMAIP

Marcel Lebrun nous donne quelques éléments dans un diaporama. Le sentiment de contrôle, la clarté des consignes, la possibilité de collaborer avec d'autres personnes, etc Ici encore, le numérique peut contribuer à développer certains de ces facteurs.

Marcel Lebrun -IMAIP - motivation

Autre manivelle : l'interactivité. La possibilité d'interagir et d'échanger. Les outils collaboratifs comme ceux proposés par Framapad ou sur Google Drive.

Ce modèle peut aider à clarifier la place d'une activité basée sur un outil numérique dans un travail proposé aux apprenants. Il nous rappelle que l'essentiel n'est pas là. Que l'on colle des post-its ou que l'on déplace des éléments virtuels, que l'on produise une carte conceptuelle sur le tableau ou qu'on la réalise sur vue ou Cmap, la différence n'est pas énorme. Mais le numérique peut parfois apporter davantage de collaboration, de sentiment de maîtrise, et aider à produire des réalisations dont les apprenants seront fiers !

 Illustrations : Frédéric Duriez

Ressources

Econocom Education et SAMR, un modèle pour intégrer les TICE publié le 25 avril 2015, consulté le 12 mars 2017
https://blog.econocom.com/blog/education-et-samr-un-modele-pour-integrer-les-tice/

Beth Holland - Edutopia "Are we innovating or just digitizing traditional teaching ? mis en ligne le 22 février 2017 consulté le 12 mars 2017 https://www.edutopia.org/article/are-we-innovating-or-just-digitizing-traditional-teaching-beth-holland

Christine Vaufrey Ici et ailleurs : le panorama des innovations pédagogiques enregistré en 2016, consulté le 12 mars 2017 https://youtu.be/I7DjLVriaEE

Françoise Cahen Lecture analytique et vidéoprojection du diaporama mars 2017 http://litmedmod.ca/lecture-analytique-et-videoprojection-du-diaporama-spectacle-linteraction-collaborative

Christophe Batier et Marcel Lebrun : Causerie sur le modèle pragmatique pour favoriser les apprentissages. vidéo mise en ligne en 2011 et consultée le 13 mars 2017

Marcel Lebrun : le modèle IMAIP, coopérer et s'entraider par le numérique mis en ligne en 2015, consulté le 13 mars 2017
http://www.slideshare.net/lebrun/le-modle-imaip-cooprer-et-sentraider-par-le-numrique


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