La science fascine, elle intrigue, elle attire toutes générations confondues. Mais elle intimide aussi. Les barrières à l’entrée et les prérequis semblent insurmontables, et la distance avec nos vies quotidiennes parait infranchissable. À tel point que les citoyens s’éloignent parfois et préfèrent échanger des savoirs informels et approximatifs.
Mais des scientifiques bousculent nos représentations et nos clichés en se rapprochant des publics. Ils ne les invitent pas dans leurs laboratoires, mais viennent au contraire à leur rencontre dans des lieux de proximité et de convivialité.
Pint of science : la science dans votre bar
Pint of science est une initiative de deux chercheurs anglais, Michael Motskin and Praveen Paul qui ont organisé trois manifestations en 2013. Depuis, elle a gagné des centaines de villes sur tous les continents, essentiellement en mai. Elle consiste à animer des rencontres dans les pubs autour de recherches scientifiques récentes. Les lieux obligent à une organisation sommaire, ils favorisent une proximité avec les chercheurs et une convivialité entre les participants. Si le nom du dispositif fait penser à la bière ou au cidre, qu’il faut consommer avec modération, chacun boit ce qu’il veut. Certaines animations sont accessibles pour des jeunes publics de 12-13 ans.
En 2018, Pintofscience couvre 21 pays et produit plus de 2200 événements.
Beaucoup d’événements s’appuient sur des diaporamas et la plupart des intervenants semblent utiliser des méthodes d’animation complémentaires. Certains commencent par un petit questionnaire ou QCM amusant pour briser la glace. D’autres amènent des éléments pour faire une expérience commune et même faire participer leur public. De manière générale, ces présentations fonctionnent sur le dialogue et sont limitées à une vingtaine de minutes.
Contrairement aux pêcha-kucha, aux manifestations telles que « ma thèse en 180 secondes » ou même aux conférences TED, ce ne sont pas des monologues ou des performances de communication. Les scientifiques n’ont pas pu répéter et l’exercice est moins contraint. Comme les barrières avec les participants sont très minces et que les cafés sont des lieux de passage, ces interventions gardent une part d’improvisation. »Rappelez-vous que c’est le public qui est au centre de l’événement », répètent Michael Motskin and Dr Praveen Paul.

Dans un article de 2016, les deux fondateurs expliquent les facteurs clés de réussite d’un événement « Pint of Science ». Quelques-uns sont traduits dans la liste ci-dessous :
- une pièce séparée,
- des participants répartis en arc de cercle,
- un micro,
- des diapos visuelles et peu de listes ou de tableaux,
- une mise en récit, avec de l’action et de la tension,
- être clair, indiquer au public où on souhaite les amener, et les y amener,
- insister sur les enjeux contemporains de la recherche,
- faire des liens avec des événements ou des faits qui parleront au public,
- faire partager la folie, l’étonnement que procure votre domaine scientifique.
Sciencetips : la science dans vos courriels
Depuis quelques années, Arttips envoie à ses abonnés des anecdotes et des histoires insolites autour des œuvres d’art, pour nous aider à les comprendre et à en saisir le contexte. Le succès s’est traduit par l’édition de livres et des partenariats avec des musées, comme le Palais des Beaux Arts de Lille.
Arttips s’est décliné en « Musictips » et plus récemment en Sciencetips. Le concept est le même : permettre aux abonnés de recevoir une information amusante, mais vérifiée par un.e spécialiste, directement dans leur boîte courriel.
Les présentations utilisent des techniques de narration. Ainsi, les deux exemples qui figurent sur le site nous montrent un scientifique aux prises avec un obstacle. L’un cherche à fabriquer de l’or, l’autre se heurte au scepticisme de ses collègues vis-à-vis de ses théories. L’histoire se poursuit par les solutions inédites qu’adopte chacun de ses protagonistes. L’un utilise une recette aussi simple que repoussante, l’autre choisit une méthode radicale pour démontrer ce qu’il affirme. Le dénouement n’est pas toujours celui que le héros attend, mais il explique pourquoi le personnage a atteint la postérité. Quelques apports scientifiques viennent ensuite donner une explication apaisée et rationnelle, avec le recul du XXIème siècle. Ces exemples ont des constructions proches, mais les rédacteurs de Sciencetips ont plus d’une technique dans leur sac pour nous tenir en éveil !
En quelques minutes, nous avons été plongés dans un espace et une époque différente, et nous avons gagné quelques éléments de compréhension de notre environnement ou de notre corps. Le tout gratuitement !
Une biographie express du rédacteur ou de la rédactrice ainsi que l’identité des relecteurs nous rassurent sur la qualité des informations communiquées. Les lecteurs peuvent indiquer s’ils estiment que le contenu est meilleur, égal ou moins bon que les articles précédents. C’est un moyen de remercier les équipes, avec qui il est possible d’échanger. Et régulièrement, l’attention est ravivée par des concours.

D’autres solutions existent pour rapprocher la science des citoyens, parfois plus circonscrites dans le temps, comme « Sciences en Fête » organisé... On peut y ajouter le travail des youtubers scientifiques et des comptes twitter qui utilisent de très courtes vidéos ou des gif animés pour nous aider à comprendre un principe ou une problématique scientifique.
Illustrations : Frédéric Duriez
Ressources
Michael Motskin and Dr Praveen Paul - « Engaging the Public in your Research » dans Trends in immunology - avril 2016
https://www.cell.com/trends/immunology/fulltext/S1471-4906(16)00028-4
Pint of Sciences :
Sciencetips : https://artips.fr/Sciencetips/
Fête de la science : https://www.fetedelascience.fr/
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