
Les dispositifs pour faire apprendre
Quels sont les liens entre la pensée d'un concepteur de formation, méthodique et talentueux et les situations concrétes d'apprentissage qui, parce qu'elles sont vivantes, échappent pour partie aux pronostics.
Publié le 20 octobre 2019 Mis à jour le 20 octobre 2019
“À l’ère de la digitalisation et de l’évolution rapide des conditions et des exigences du travail, la formation professionnelle est tenue de réagir à ces évolutions en adaptant les concepts de formation. La question au cœur de cette problématique est de savoir comment former les apprenti-e-s pour en faire des collaborateurs/trices qui soient à la fois autonomes, proactifs/proactives, flexibles, rompu-e-s aux TIC et orienté-e-s vers la résolution des problèmes.
Les réflexions qui sous-tendent cette thématique partent du principe que la culture d’apprentissage de l’entreprise auprès des personnes en formation est déterminante pour que la socialisation des apprenti-e-s soit tournée vers l’avenir.
Les cultures d’apprentissage et de travail favorisant l’innovation se caractérisent généralement par des hiérarchies horizontales, une très grande tolérance face à l’erreur et des marges de manœuvre relativement grandes dans les prises de décision, ainsi que par les codes sociaux, les objectifs communs et les valeurs spécifiques à l’entreprise”.
Source : Dimensions des cultures d’apprentissage : études de cas d’apprentissages professionnels en entreprises innovantes
2018 - https://www.iffp.swiss/project/dimensions-cultures-apprentissage
Innover en formation est un besoin réel et bien présent. Changements de façons de faire, changements d’usages, changements de société, changements dans le management, changements dans les cahiers des charges du travail en entreprise. Nous sommes à une époque charnière et l’école se doit d’y répondre afin que ses étudiants soient en phase avec le marché de la formation en entreprise et le marché du travail.
“Innovation dans l’enseignement et l’apprentissage
Le présent domaine s’intéresse aux axes de recherche suivants :
évaluation de dispositifs innovants ;
analyse des traces en formation (ePortfolio, environnements personnels d’apprentissage, Moodle, etc.) pour favoriser le développement professionnel des étudiant·e·s et des formatrices et formateurs;
évaluation d’outils d’aide à l’enseignement et à l’apprentissage (technologie de l’apprentissage);
évaluation de pratiques innovantes (à l’aide de données issues des analyses de pratiques incluant l’usage de la vidéo, de groupes de partage de pratiques innovantes, de communautés de pratique);
analyse du vécu des acteurs face aux changements induits par les pratiques innovantes”
Source : Haute Ecole Pédagogique des cantons de Berne, du Jura et de Neuchâtel (Suisse)
https://www.hep-bejune.ch/fr/Recherche/Domaines-activites/Innovation-dans-l-enseignement-et-l-apprentissage.html
“Créativités et collaborations en éducation
Le présent domaine s’intéresse aux axes de recherche suivants :
les approches socioculturelles et créatives de l’éducation ;
les capacités transversales et les gestes professionnels des acteurs de l’éducation ;
les relations enseignant-élèves dans une perspective didactique de la musique ;
les collaborations créatives locales et internationales entre individus et entre institutions”.
Source : Haute Ecole Pédagogique des cantons de Berne, du Jura et de Neuchâtel (Suisse)
https://www.hep-bejune.ch/fr/Recherche/Domaines-activites/Creativites-et-collaborations-en-education.html
Si on analyse ces deux programmes d’étude sur le sujet avec un regard technologiste de l’innovation, le constat est un peu étrange. Lorsque vous abordez l’innovation dans la Réalité Virtuelle, la Blockchain, l’Intelligence artificielle, vous êtes dans un processus de Recherche et Développement avec au coeur la solution à un besoin. On est dans la réflexion, la proposition et le beta test. Quand on regarde ces deux programmes, la dynamique est complètement inversée. Le premier programme s’occupe d’évaluer et d’analyser et le second est une timide amorce de préparation à faire quelque chose avec des constatations de situations peut-être innovantes. On est très loin d’une réelle dynamique de recherche active.
Je coordonne une formation et je me demande si elle est innovante. J'aimerais que l'on puisse qualifier mon programme d'innovant.
L'innovation pédagogique est l'une des priorités de l'Université de Genève. L'UNIGE soutient et valorise les innovations portées par une personne ou par une équipe enseignante.
Dans ce contexte, on parle de plus en plus des «programmes innovants»…
...Comment définir l’innovation pédagogique à l’échelle d’un programme?
En s'inspirant de différents auteurs dont Lison et al. (2014), on peut considérer qu’innover au niveau d’un programme implique de:
modifier l’ensemble ou une partie importante de la formation;
mettre en place un changement par rapport aux façons actuelles d’enseigner et d’apprendre dans le programme;
viser des apprentissages plus profonds, durables et transférables chez les étudiants.
Par exemple, l’approche par résolution de problèmes peut contribuer à rendre un programme innovant si:
elle est introduite dans plusieurs enseignements du programme;
elle représente une nouveauté par rapport aux pratiques pédagogiques existantes au sein du programme;
elle vise un bénéfice au niveau des apprentissages des étudiants.
À l’opposé, renforcer l’usage d’une technologie déjà largement répandue au sein du programme ou de l’institution n'est pas forcément une innovation pédagogique. Adopter une nouveauté (méthode, outil) parce que c’est «à la mode» sans nécessairement viser une plus-value pour l’apprentissage, non plus.”
Source : Poôle de soutien à l'enseignment et l'apprentissage - 27 mars 2019
https://www.unige.ch/dife/enseigner-apprendre/programme/programme-innovant
L’Université de Genève est un peu plus pro-active. Elle vient soutenir les actions individuelles des professeurs en leur proposant une auto-évaluation de savoir si ils sont réellement dans une dynamique innovante. Mais, l’impulsion d’innovation vient de la base et non d’un vrai laboratoire pédagogique digne de ce nom. Peut-on faire des tests sur les élèves ? Oui, c’est ce qui se fait mais de façon hors cadre. Ce n’est pas une démarche structurée et planifiée. Ce sont des professeurs qui ont envie de faire bouger leurs méthodes de façon empirique et les institution qui en font leurs bilans.
L’idée de la métamorphose est plus riche que l’idée de la révolution […] Pour aller vers la métamorphose, il est nécessaire de changer de voie. C’est ce qui est sans doute le plus difficile. […] Comment ? Tout commence, toujours, par une initiative, une innovation […] Ce qu’on peut espérer, c’est non plus le meilleur des mondes, mais un monde meilleur. […] Seule la métamorphose pourra améliorer le monde (Edgar Morin, La Voie). Certaines métamorphoses cherchant à améliorer le monde passent par l’innovation (Morin, 2010).
Dans notre société, l’innovation est un thème central touchant à de nombreux domaines (Fagerberg, 2013), engendrant un défi aussi bien pour les individus que pour les institutions qui cherchent à se transformer généralement dans l’optique d’une amélioration. L’éducation et la formation n’échappent pas à l’exception, mais non sans parfois passer par des difficultés. Questionner l’innovation, comme intention de transformation, devient dès lors nécessaire pour mieux comprendre et analyser ce processus. La recherche peut-elle être une piste possible parmi d’autres pour soutenir ce questionnement dans un esprit critique et distancié ?...
...Axe 3. La recherche : un vecteur complémentaire de l’innovation, mais comment sur le plan institutionnel ? Pour initier une démarche innovante, il est préférable que le processus soit enclenché par les praticiens.nes dans une démarche bottom-up. Dans le contexte de la formation, cela induit des actions de recherche-formation élaborées au sein des formations initiale, continue ou postgrade.
Ces actions pédagogiques innovantes, pour se diffuser, doivent bénéficier d’une validation dans une démarche topdown par des directions ayant un fort leadership (Cros, 2004; Durance, 2011; Godet & Durance, 2011). En effet, les directions ayant un leadership fort (Perrenoud, 2015) peuvent soutenir l’innovation pédagogique et la recherche afin de mieux articuler la rencontre entre les formateurs.trices-chercheur.e.s et les enseignant.e.s pour renforcer ainsi l’efficacité de la formation en alternance.
Comment accompagner tous et toutes les acteurs.trices de la formation dans le changement tout en veillant à ce que ce changement corresponde aux besoins effectifs de ces derniers et dernières ? L’on peut dès lors s’interroger sur les conditions institutionnelles favorables et les moyens investis pour promouvoir l’innovation pédagogique, soutenue en arrière-plan par la recherche. Une institution innovante est celle qui vise à être un pôle d’excellence en favorisant l’esprit d’innovation par le passage d’une structure facilitante de travail à une structure autonome dans laquelle les individus développent leurs compétences professionnelles, mais aussi leur créativité (Bandura, 2007).
La valeur sous-jacente est bien celle du désir d’amélioration continue. Ainsi, comment réunir les conditions favorables pour développer la créativité des acteurs.trices et instaurer un esprit d’innovation ? Quelles sont les actions des décideur.e.s des institutions de formation ou d’établissement ? Comment les cadres intermédiaires (responsable de filières, d’unités, de département, doyens, etc.) favorisent également l’innovation et la recherche dans leur management, dans les curricula, dans la création d’espace visant l’autonomie des individus ?”
Source : Innovation et recherche : métamorphose de la formation enseignante ? - HEP Lausanne - février 2018 - https://www.hepl.ch/files/live/sites/systemsite/files/unite-communication/documents/innovation-appel-a-communication-2018-hep-vaud.pdf
Une métamorphose du papillon par le papillon; par les profs ou par les volontés des institutions ? En fait, l’impulsion vient de la base et sera porteuse si l’institution est assez ouverte pour cela. Si ce n’est pas le cas, toutes ces expérimentations venant de la base sont mortes-nées. L’accompagnement bienveillant est dans ce cas fondamental, mais ce n’est que de l’amélioration continue. Aujourd’hui, les mutations se sont accélérées et l’amélioration se fait dépasser par l’accélération. Il y a urgence à passer à d’autres méthodes qui vont pouvoir accompagner la disruption. Une disruption ce n’est pas une mutation, c’est un changement radical.
Est-ce la simple «adaptation à un contexte qui change»? Dans ce cas, l’enseignant innove chaque année et même chaque semaine, car ses élèves évoluent en permanence, aussi bien intellectuellement et physiquement que sur le plan des compétences et des aptitudes sociales. Mais le langage de l’innovation, ces dernières années, s’est un peu restreint: il fait le plus souvent implicitement référence à une certaine vision, selon laquelle il faut innover pour rester compétitif, se démarquer de ses concurrents et proposer sans cesse des nouveautés aux consommateurs.
L’univers des nouvelles technologies s’intègre parfaitement dans cette vision restreinte de l’innovation, d’où la méfiance compréhensible de nombreux enseignants face à leur introduction en classe. Comment recentrer l’objectif de l’innovation sur la formation de l’élève, sur son développement intellectuel, humain, et social? «L’élément constant n’est pas le résultat, mais les questionnements qu’ont généré ces nouveaux outils : faut-il les utiliser ? Comment ? »
L’introduction de l’écriture et la démocratisation du livre ont constitué des innovations techniques qui ont eu des répercussions très importantes sur la façon d’enseigner. Mais la même innovation technologique, dans un contexte autre, produit des changements parfois très différents, liés notamment à la culture de l’enseignement, à ses objectifs et à ses valeurs. Il y a mille façons d’utiliser un livre ou une ardoise pour enseigner et pas de déterminisme absolu entre le choix des outils et les résultats sur la façon d’enseigner. L’élément constant n’est pas le résultat, mais les questionnements qu’ont généré ces nouveaux outils : faut-il les utiliser ? Comment ? Influencent-ils la relation pédagogique? Mais ces interrogations ne sont, elles, pas d’abord techniques, car elles portent sur les façons d’enseigner et le potentiel éducatif de ces nouveautés”.
Source : L’École du futur, vers une innovation technologique à tout prix ? - Florence Quinche - Décembre 2014 -
https://www.hepl.ch/files/live/sites/systemsite/files/unite-communication/prismes/numero-20/articles/prismes-20-vers-innovation-technologique-a-tout-prix-f-quinche-2014-hep-vaud.pdf
La métamorphose d’hier n’est pas un outil assez puissant pour faire face aux changements de sociétés qui nous font face. L’implémentation de puces poussant les capacités du cerveau par exemple étaient une utopie hier, mais, il semble que d’ici à très peu de temps ce soit une réalité. Dans cet exemple, l’élève d’hier était bon, moyen, dyslexique, décrocheur, mais demain, il aura peut-être l’équivalent d’une Ferrari dans le cerveau. Que va-t-on lui apprendre à cet élève ? Les niveaux scolaires seront à revoir sans doute. Les programmes aussi, plus rapides, plus denses, plus profonds. Chaque innovation qui va affecter l’école sera contrôlée ou sera brusque, tout dépendant comment celles-ci auront été préparées.
Source image : jlenhard - Pixabay
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