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Publié le 11 novembre 2019 Mis à jour le 11 novembre 2019

Maman et Papa parlent deux langues différentes !

Familles plurilingues, défi ou opportunité ?

« Tous les souvenirs de nos parents, de nos ancêtres sont inclus dans nous. »

Ainsi parlait Françoise Dolto (1908-1988), psychanalyste et pédiatre française, grande spécialiste des rapports parents-enfants.

Nous portons donc en nous les gênes de nos aïeux, nous contribuons à perpétuer notre patrimoine familial, historique, social et culturel… mais qu’en est-il de notre héritage linguistique ? Lui aussi s’inscrit-il dans notre ADN ?

À l’heure où les gens voyagent beaucoup, où les cultures se mélangent, où les flux migratoires sont importants, où la relocalisation et le déracinement géographique sont omniprésents, comment se transmet l’héritage linguistique, en particulier quand les deux parents sont de cultures différentes ? Maman et papa parlent deux langues différentes ! Au secours ou youpi, c’est la belle vie ?

Française vivant au Québec et étant moi-même professeure de français langue étrangère, j’ai eu bien souvent l’opportunité de rencontrer des apprenants dans des contextes familiaux un peu particuliers, ceux du bilinguisme, voire du trilinguisme. En effet, nombreux sont les exemples de Canadien(ne)s marié(e)s à des Philippin(e)s, Chinois(es), Cubain(e)s, Panaméen(ne)s, Néerlandais(e)s, Anglais(e)s…

C’est donc tout naturellement que j’ai pensé à mon amie Japonaise, mariée à un Québécois et qui vit au Canada depuis près de 10 ans. Ils sont les heureux parents de deux enfants, une fille de 9 ans et un garçon de 5 ans. Le contexte multiculturel et plurilingue est donc flagrant ! Ils ont accepté gentiment de bien vouloir répondre à mes quelques questions, afin de mieux pouvoir cerner cette réalité culturelle et linguistique aux saveurs nippones et francophones.

Un juste milieu

Aya et Marc (prénoms fictifs) sont respectivement Japonaise et Canadien. Quand ils se sont rencontrés, il y a un peu plus de dix ans, au cours d’un voyage, Aya ne parlait pas un mot de français et Marc n’avait aucune connaissance en japonais. La langue de contact a naturellement été l’anglais, que tous deux pratiquaient.

Cette langue qui leur a permis de faire connaissance demeure aujourd’hui encore la langue qu’ils parlent tous les deux à la maison, même si, entre-temps, Aya a suivi les cours de francisation donnés par le ministère de l’immigration du Québec et qu’Antoine a appris le japonais. Je tiens même à préciser que, l’un comme l’autre, ils se débrouillent dorénavant très bien dans les deux langues !

Par exemple, quand je parle maintenant à mon amie Aya (qui était autrefois mon étudiante !), c’est toujours en français (mais bon, j’avoue, quand je lui écris, c’est en anglais…) et elle me répond en français aussi. La langue « de l’autre » n’est donc plus vraiment en problème en soi, mais le confort prodigué par l’anglais persiste, d’autant plus qu’il leur procure un certain «pied d’égalité, plus juste et équilibré » entre eux deux, de façon à ce qu’aucune des deux langues maternelles (donc non maîtrisée à 100% par l’autre) ne prenne le dessus.

La famille s’agrandit !

Quelques années après, la famille s’agrandit avec l’arrivée d’un premier enfant, une petite fille. Les futurs parents commencent donc à s’interroger sur l’aspect linguistique éducatif qui lui sera donné. Français, comme la langue du Québec et de son papa ? Japonais, comme la langue de sa maman ? Anglais, comme la langue qu’ils parlent tous les deux à la maison ? Sacré casse-tête en perspective ?

De nombreuses lectures et réflexions personnelles les amènent naturellement à envisager le plurilinguisme dans leur famille : « Étant donné que c’est plus facile d’assimiler une langue quand on est jeune, nous voulions donner à nos enfants cet avantage le plus tôt possible. Aussi, nous avions lu sur le sujet et savions qu’il est préférable de parler sa propre langue maternelle à son enfant car nous transmettons ainsi la maitrise de la langue (structure, accent, etc.). Donc, l’un parle japonais et l’autre en français. », comme le précise Marc. De son côté, Aya pense également à l’intérêt du bilinguisme pour le futur, ce sera un beau cadeau fait à ses enfants qui leur permettra d’avoir de meilleures opportunités dans l’avenir. 

Mais pourquoi garder la langue japonaise, alors qu’ils vivent au Canada francophone et qu’ils ne voyagent qu’une fois par an au Japon ? « Pour garder l’identité et la culture japonaise. Garder un lien avec les racines. La langue japonaise permet d’accéder à la culture japonaise. Ils peuvent aussi communiquer avec leur grands-parents au Japon et voyager plus facilement. Aussi, avoir une deuxième langue est bon pour le développement cognitif. », précise Marc. Aya réitère l’importance des « racines » et le besoin de garder le contact avec la famille et la culture nippone, qui constitue la moitié de l’histoire familiale de l’enfant.

Quelques années encore après, la famille s’agrandit de nouveau avec l’arrivée d’un petit garçon. Le schéma se reproduit et les deux enfants parlent donc en japonais avec maman et en français avec papa.

Et les enfants dans tout ça ?

Les parents sont unanimes : si les deux enfants parlent sans problème avec eux en français et en japonais, leur langue dominante reste le français : « Bien que leur mère leur parle en japonais depuis leur naissance, nous vivons au Québec, en français. Donc, c’est la langue dominante.

L’école en français et, à la maison, c’est un mélange des trois. Toutefois Papa s’adresse toujours aux enfants en français et Maman en japonais. » Aya précise toutefois que les enfants, entre eux à la maison, parlent quelques fois japonais aussi, mais en général, même quand ils sont au Japon, la langue de discussion des enfants est le français !

Mais alors, pour les enfants, peut-on parler de défi, de devoir jongler d’une langue à l’autre comme cela ? Marc nous répond : « Oui, ils doivent s’adapter lors des voyages annuels au Japon. C’est une belle immersion chez leur grands-parents et l’occasion de pratiquer leur japonais. Cela leur permet aussi de rester motivés à parler japonais. Aussi, c’est un peu plus difficile au début à la garderie et à l’école, car ils ne sont pas autant exposés au français qu’une famille monolingue. Mais cela se résout assez rapidement. » Aya l’appuie en ajoutant qu’il faut un peu plus de temps aux enfants pour faire le tri dans leur cerveau afin de sélectionner la bonne langue pour les bons mots, ce qui est normal dans un tel contexte bilingue.

Elle avoue également être inquiète pour son égo, par sa propre prestation, étant donné qu’elle craint que les enfants ne soient pas à la hauteur des attentes linguistiques propres à chacune des deux cultures, puisqu’ils reflètent l’un et l’autre le vocabulaire utilisé par les parents.

Finalement, on ne peut qu’être d’accord avec la citation de Françoise Dolto, nous portons bien nos souvenirs familiaux en nous, et ceci, qu’ils soient d’ordre culturel ou linguistique. Même en étant déraciné géographiquement, notre appartenance culturelle demeure et mérite d’être transmise aux générations futures, afin de perpétrer, encore et toujours notre héritage patrimonial familial.

Remerciements à mes amis M. O. et A. B. pour leur aimable collaboration en tant que couple et parents.

Illustrations


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