Dans toute activité professionnelle, arrive un moment de rétroaction. L’idée étant de voir les forces et faiblesses d’un travailleur et de corriger ces dernières. Cette quête d’amélioration n’a rien de mal. Elle se trouve partout et particulièrement dans le milieu scolaire. Il n’est pas rare que les enseignants soient surveillés ou même coachés par des spécialistes qui regardent leur façon d’enseigner. Or, aux États-Unis, une approche qui intéresse de plus en plus, il s’agit de celle dite « bug in ear » qu’on pourrait traduire par un « régisseur d’enseignement ».
En effet, inspiré d'une émission de télévision en direct, des personnes sont là pour contrôler ce qui se passe à l’image et aussi informer l’équipe d’animation du temps qu’il lui reste, d’attitudes à avoir et autres informations essentielles qu’elle a besoin de savoir. Tout cela se fait avec un petit écouteur caché dans leur oreille. Or, cette approche est reprise en enseignement.
Un coach dans l’oreille
L’idée est donc d’avoir un coach qui observe par une diffusion en direct d’un cours et qui peut donner des indications aux enseignants comment améliorer leur approche, de leur proposer des façons d’alimenter les interactions en classe, etc. Cette méthode a commencé à être utilisée et pensée en 2002 mais l’intérêt a grandi dans les dernières années, car des études ont montré des bienfaits de cette approche qui permet de rectifier en temps réel de mauvais comportements. Avec un observateur pouvant voir les réactions des élèves et celles du professeur, les conseils offerts semblent davantage avoir un effet sur ces derniers.
Cette présence à distance a de quoi rassurer le corps enseignant. Dans ces cours surveillés on ressent un appui constat qui corrige mais aussi encourage les bonnes stratégies. Pour une douzaine d’États américains, cet allié constant est une méthode qui paie, à leur avis. D’ailleurs, d’autres États réfléchissent à l’implanter afin d’améliorer la qualité d’enseignement.
Danse petite marionnette, danse
Le problème déjà est que les études les plus complètes sur le sujet datent de 2011 et depuis, elles sont plus fragmentées. Dans celle de 2011, d’ailleurs, les chercheurs admettent que la méthode « bug in ear » peut ressembler par moment à du Big Brother et qu’il faut en tenir compte.
Or, tous les coachs ne le voient pas de cette manière et certains sont très autoritaires. Il suffit de lire ce compte-rendu d’une personne curieuse de savoir comment cela se passait pour se rendre compte que cela est loin de l’idée d'un «allié de l’enseignement». Le responsable semonce une enseignante faisant un temps de silence et un câlin collectif pour une élève ayant perdu sa sœur jumelle dans une fusillade la veille, un autre qui encourage les enfants à exprimer l’adresse de Gettysburg dans une démarche créative (ex. : rap, chanson, sonnet) et une professeure de mathématiques qui préfère que les écoliers trouvent une formule de calcul géométrique plutôt que la dicter et qu’ils l’oublient. Alors, le coach s’est permis de dire que cela ne correspondait pas aux demandes étatiques et qu’elle risquait sa carrière.
Et cette dernière intervention résume tout le problème de l’approche de « régisseur de l’enseignement ». Il fait exactement l’inverse de ce que ce professeur en formation des maîtres prêche à ses étudiants qui donnent des classes : « Je ne suis pas là pour que tu changes ta méthode, seulement que tu la bonifies. » Or, le régisseur ne fait de l’enseignant qu’une marionnette devant obéir aux codes du programme. Il part de l’idée que ces professionnels, qu’ils soient débutants ou expérimentés, ne savent pas ce qu’ils font et qu’il est gestionnaire de la situation.
Ainsi, les enseignants américains sont en général très critiques par rapport à cette méthode. Déjà parce qu’elle est coûteuse à mettre en place et aussi elle omet souvent la question de l’adaptation. Un bon professeur est capable de sentir les dynamiques de classe et adapter son enseignement en conséquence. Ce qui veut dire parfois ne pas exactement reproduire les objectifs donnés par les États et trouver des façons pour que les objectifs généraux de savoir soient pérennes.
Cela signifie avoir la liberté d’utiliser des outils technologiques ou non, d’avoir une classe plus bruyante ou pas, d’user du magistral selon ses désirs, etc. Bref, pour beaucoup, cela témoigne de l’importance de défendre sa profession et inventer des approches plus constructives pour améliorer sa pratique plutôt que se servir d’un étranger qui juge tout à distance sans avoir le contexte.
Illustration : Karolina Grabowska de Pixabay
Références :
Browning, Ellen L. « Does Teacher Behavior Change in Middle School Math Classes When Teachers Receive Instructional Coaching Using Bug-In-Ear Technology? » ODU Digital Commons. Dernière mise à jour : 23 juillet 2019.
https://digitalcommons.odu.edu/cdse_etds/13/
De La Rosa, Shawna. « Bug-in-ear' Teacher Coaching Shows Promise. » Education Dive. Dernière mise à jour : 12 mars 2019.
https://www.educationdive.com/news/bug-in-ear-teacher-coaching-shows-promise/549725/
Flanagan, Nancy. « Bugs in Teachers' Ears? What We Should Be Doing Instead. » Garn Press. Dernière mise à jour : 15 janvier 2020.
https://www.garnpress.com/news/bugs-in-teachers-ears-what-we-should-be-doing-instead
Greene, Peter. « Bug-In-Ear Coaching: Why Is This Still A Thing? » CURMUDGUCATION. Dernière mise à jour : 10 mars 2019.
https://curmudgucation.blogspot.com/2019/03/bug-in-ear-coaching-why-is-this-still.html
Merrow, John. “INSECT-BASED TEACHER TRAINING.” The Merrow Report. Dernière mise à jour : 21 janvier 2020.
https://themerrowreport.com/2020/01/09/insect-based-teacher-training/
Will, Madeline. “With Bug-in-Ear Coaching, Teachers Get Feedback on the Fly.” Education Week. Dernière mise à jour : 26 février 2019.
https://www.edweek.org/ew/articles/2019/02/27/with-bug-in-ear-coaching-teachers-get-feedback-on.html
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