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Publié le 10 février 2021 Mis à jour le 10 février 2021
Lieux d’émergence, lieux de frictions, d’innovation, nous sommes un certain nombre à connaître ou fréquenter des espaces sociaux contributifs. Nous pouvons les avoir rencontrés pour respirer dans un monde tendu entre un travail prescrit, le plus souvent par le marché, et une volonté de contribuer à sa manière, irremplaçable.
Ces espaces sont parfois mis en avant par des collectivités territoriales en lien avec leurs projets : par exemple de démocratie participative, de réduction de la fracture numérique, de programmes zéro déchet / zéro gaspillage. Mais d’où viennent-ils vraiment et qu’est-ce qui les constitue ?
Pierre-Amiel Giraud a enquêté à partir de deux terrains au Québec et dans le Sud-Ouest de la France. Il présente dans sa thèse un panorama de la culture du Libre et des communs, et une compréhension de leurs lieux, à partir desquels nous pouvons nous éduquer, revisiter nos pratiques, créer de nouveaux liens ou réseaux, et nous inspirer pour résoudre les nouvelles équations du monde.
« [Le commun] est la formule des mouvements et des courants de pensée qui entendent s’opposer à la tendance majeure de notre époque : l’extension de l’appropriation privée à toutes les sphères de la société, de la culture et du vivant. »
La culture libre est issue de la tradition coopérative du développement informatique, avec le développement des premiers logiciels explicitement libres dans les années 1980 (licences libres), puis du système d’exploitation Linux dans les années 1990.
Dans la seconde moitié des années 1990, la cohérence du mouvement commence à être perçue plus globalement, d’autant que la culture libre s’est développée conjointement avec l’art libre et des mouvements sociétaux comme les mouvements altermondialistes.
Les valeurs fondamentales du Libre sont :
Le tournant des années 1990 / 2000 a vu « l’extension du domaine du Libre » et ses modulations comme les contributions à la connaissance (Wikipédia), l’application du principe de documentation à d’autres projets que des projets informatiques, et à d’autres domaines comme celui des semences agricoles libres.
L’auteur décrit sa méthodologie de recherche comme relevant de l’anarchisme épistémologique. Il raconte par exemple qu’un ouvrage de Paul Feyerabend lui est « tombé entre les mains » d’un rayonnage de bibliothèque :
« La seule approche qui ne nuit pas au progrès est “tout est bon” (anything goes). » Paul Feyerabend
« S’approprier la formule “tout est bon” implique de sélectionner les segments du savoir d’une manière hautement personnelle et idiosyncratique, partiellement parce qu’il faut être à l’écoute de ses propres centres d’intérêt. »
La mondialisation n’a pas aplati le monde, mais Internet a contribué à la recomposition des espaces. Ceux-ci ne sont plus uniquement matériels (dans la conception occidentale du “monde”), ils sont fondamentalement relationnels, et associent les espaces mobiles et les espaces ancrés.
La mouvance du Libre se retrouve ainsi, avec d’autres mouvements, dans les tiers-lieux :
« Le tiers-lieu apparaît comme un “lieu physique” connecté au monde par le numérique. Surtout, il se situe aux marges des espaces productifs comme reproductifs, ce qui lui permet au moins en partie d’échapper aux “relations-de-pouvoir” de l’espace du marché, fondées sur la domination sociale (le tiers-lieu pour encapaciter) ou sur la concurrence économique (le tiers-lieu pour innover). »
« Les tiers-lieux semblent davantage définis par leur localisation simultanée dans plusieurs espaces de représentation – ou comme localités construites par la rencontre de l’espace de représentation mobile de la mouvance et de l’espace de représentation ancré du territoire. »
Ainsi, les lieux s’organisent en un nœud borroméen, trois cercles nouant ensemble la circonstance, la situation et la localité :
Les lieux s’organisent en outre par la continuité (en tant que lieu-organisation) ou par la discontinuité (en tant que lieu-événement).
« Beaucoup de lieux de la mouvance du Libre apparaissent comme autant d’outils de socialisation des pratiques ou usages. Le Libre, comme ciment identitaire fournissant un techno-imaginaire, n’apporte pas la norme contraignante, mais un horizon symbolique dans lequel les usages prennent sens. »
La mouvance du Libre se rapproche de celle de l’éducation populaire, appelée éducation permanente en Belgique. Les groupes se constituent par une intention et une fiction commune. Ils peuvent être généralistes, spécialisés ou de projet. On trouve :
Il s’agit d'une véritable modalité de faire territorialement lieu, qui entre en coopétition ou en collaboration de circonstance avec des lieux-organisations qui les initient. Ce sont :
Ces lieux-événements contribuent à la production des lieux dans leur modalité :
Le concept de synchorisation est proposé par le géographe Boris Beaude pour :
« nommer le processus permanent par lequel on crée des espaces communs pour être et pour agir ensemble. [La synchorisation] résume l’ensemble des pratiques qui œuvrent à la maîtrise de la distance lorsque cette dernière est un obstacle à l’interaction sociale. »
Pour ces pratiques communes synchorisées, les modalités de coordination sont issues des principes de gouvernance des logiciels libres ou d’autres communs de la connaissance : le pouvoir par le faire ou do-ocratie (ou encore poïéocratie si on respecte la construction intégrale du mot sur le grec ancien).
Il s’agit d’une morale de l’auto-organisation dans laquelle chaque individu prend des initiatives et décide par lui-même quels moyens l’amèneront aux buts fixés. La légitimité de la personne découle de ce qu’elle fait.
Le système est fondamentalement une stigmergie, c’est-à-dire une coordination indirecte entre les agents où chaque trace conditionne l’action suivante, et qui peut se situer dans plusieurs projets. D’où la nécessité de documenter, de laisser des traces pour guider les actions des contributeurs suivants (voir aussi cette ressource pour une idée plus précise de la stigmergie dans les organisations humaines).
La coordination demande une gouvernance transparente, exemplaire au regard des valeurs du Libre et efficace pour susciter l’engagement, où l’information circule librement et dont les processus de délibération sont basées sur le consensus. Cette gouvernance horizontale peut parfois devenir verticale par pragmatisme : sur un projet précis, il s’agira de trouver un porteur de projet et de faire le point à une échéance donnée.
Quand on est engagé dans la mouvance du Libre ou un tiers-lieu, on connaît les expressions réticulaires de la rencontre. On peut être en même temps sur plusieurs canaux et occuper plusieurs lieux. Ainsi on a plusieurs manières d’offrir sa présence et d’être rencontré.
Source image : Marc Vanlindt, Fractales et art digital (page Facebook), avec son autorisation.
Pierre-Amiel Giraud. Les Lieux de la mouvance du Libre: une approche comparatiste à partir de terrains aquitains et québécois. Géographie. Université Michel de Montaigne – Bordeaux III, 2019 (thèse consultable sur HAL, archives ouvertes).
Marc Vanlindt est un artiste numérique belge, libriste, Wikipédien, il collabore dans plusieurs organisations innovantes liégeoises comme 11h22 et 54 Dérivation. On le remercie !
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