Depuis la fin de l'année 2020, deux événements ont profondément ébranlé la société canadienne sur leur rapport aux Premières Nations. Déjà, ces derniers étaient tout au mieux bancals alors qu'un important pourcentage de réserves n'ont toujours pas accès à un aqueduc dans un pays possédant 20% des réserves mondiales d'eau douce. Sans compter plus d'une centaine de femmes autochtones disparues ou assassinées depuis 2015 sans que les forces de police s'en émeuvent outre mesure. Et puis, à la manière de George Floyd aux États-Unis, deux tragédies sont arrivées à moins d'un an d'intervalle:
Septembre 2020, hôpital de Joliette au Québec : Joyce Echaquan, une Atikamekw de 37 ans et mère de sept enfants, se filme sur son lit d'hôpital en direct sur Facebook. Pendant qu'elle agonise, les spectateurs peuvent entendre deux infirmières l'insulter et la mépriser alors qu'elle se meurt. On lui aurait donné de la morphine contre son gré alors qu'elle se savait allergique. Elle trouvera la mort quelques minutes plus tard.
Mai 2021, Kamloops en Colombie-Britannique : Une fosse commune est découverte derrière un ancien pensionnat autochtone. Grâce à la technologie de géoradar, les experts dénichent 215 corps d'enfants, dont certains ayant autour de 3 ans, enterrés dans ce lieu expressément conçu pour "arracher la culture amérindienne de l'enfant".
Ces deux macabres nouvelles ont révélé des pages sombres de l'histoire canadienne. En effet, la colonisation du Canada par les troupes européennes ont mené au massacre de différentes tribus vivant sur le territoire. Or, même de nos jours, les Canadiens ne faisant pas partie de ces communautés ne savent rien d'eux. Pis encore, beaucoup les méprisent.
Bien qu'il soit malheureux qu'il ait fallu ces tragédies pour ouvrir un tant soit peu les yeux à la population canadienne, elle a au moins permis d'amorcer de réelles discussions sur le sort des Autochtones et surtout leur représentation en éducation.
Des démons aux clichés
Si cela peut sembler fou que la population canadienne ait autant omis ces peuples sur leur territoire, cela ne provient pas de nulle part. L'enseignement de l'histoire a longtemps servi à déshumaniser les Premières Nations. En effet, les manuels parlaient de tribus farouches et cruelles qui scalpaient leurs ennemis vivants, kidnappaient des colons et vénéraient des dieux païens. Ce qui, dans les années 1950 et 1960 très marquées par la religion catholique, était vu comme une aberration. D'ailleurs, les livres sont illustrés d'images terrifiantes "d'Indiens" attaquant des missionnaires ou des nouveaux arrivants.
Cela s'explique par la volonté de justifier la politique coloniale. À une époque, les livres parlaient aussi de "bonnes" et de "méchantes" tribus. Une approche qui a duré très longtemps et que j'ai acquis lors de ma scolarité. Je me rappelle très bien d'une catégorisation de la sorte dans mes cours d'histoire à la fin du primaire et début du secondaire où les Iroquois, entre autres, étaient vus comme d'assoiffés guerriers contre des groupes tels les Abénaquis plus pacifiques et agraires. Des informations que j'ai reçues à la fin des années 1990 et début des années 2000.
Sans compter qu'aujourd'hui, les professeurs d'histoire trouvent que le portrait fait des Premières Nations est très mince. Autant au primaire qu'au secondaire, la matière se répète et n'aborde qu'en surface la culture autochtone qui se veut pourtant extrêmement riche. Heureusement, certains ont affirmé que la mort de Joyce Echaquan changerait les choses.
En tout cas, à la suite des découvertes de corps à Kamloops et dans d'autres pensionnats canadiens, l'Ontario a décrété qu'elle intégrera tout un pan de son curriculum d'histoire sur les pensionnats autochtones. Ainsi, à partir de septembre 2023, le sujet sera discuté dès le primaire. En espérant que le Québec suive puisqu'encore en juillet 2021, de nombreux étudiants universitaires québécois ignoraient la réalité des pensionnats.
Intégrer des savoirs autochtones dans les programmes
Si les programmes ont longtemps servi à démoniser les Premières Nations, les événements de 2020-2021 doivent être un tremplin afin que des changements aient lieu à tous les niveaux de formation. Cela veut dire communiquer avec les peuples existant afin de créer un programme qui aille au-delà des clichés et des éléments de base. Il semble essentiel de parler des composantes qui fâchent, y compris des pensionnats comme le fait cette capsule destinée aux jeunes :
La population la plus jeune du Canada est celle des Autochtones. Il serait donc primordial que les facultés d'un océan à l'autre intègrent davantage de savoirs non seulement sur ces parts sombres mais aussi sur la richesse de ces cultures.
L'université d'Ottawa semble s'être engagée sur cette voie de "décolonisation" de l'histoire. Cela ne veut pas dire qu'il faille passer sous silence les échauffourées entre Blancs et Autochtones. Or, ces derniers n'étaient pas que des guerriers assoiffés de sang européen. Au contraire, beaucoup ont tenté d'établir des liens avec les nouveaux arrivants alors que ces derniers ne se gênaient pas pour transmettre des virus endémiques ayant éliminé une bonne partie de la population amérindienne (jusqu'à 80 % seraient morts de ces maladies).
Peut-être que les enseignants pourraient demander conseil à leurs collègues autochtones qui doivent forcément traiter ces sujets avec leurs élèves. Ces derniers pourraient les guider dans une approche à la fois réaliste et qui ne tombe pas dans la culpabilisation à outrance. Il existe aussi une panoplie de ressources explorant l'histoire des Premières Nations.
Au primaire, différents livres et sites Internet comme Mikana pour aller au-delà des clichés. Le site DestiNATIONS propose de la médiation culturelle où des artistes de communautés autochtones québécoises peuvent participer à des événements, dont des visites dans des écoles pour montrer des arts traditionnels. D'ailleurs, il peut être bien de rappeler autant aux petits Autochtones que des Blancs qu'il y a eu des figures importantes dans le sport et dans l'histoire du pays qui provenaient de diverses nations. D'autres ressources existent aussi pour comprendre les enjeux actuels des communautés comme les répercussions des pensionnats, l'enquête sur les femmes et filles autochtones disparues, etc.
Enfin, certains osent poser la question : et si l'école canadienne et québécoise intégrait l'apprentissage de langues des Premières Nations? Après tout, le Québec en particulier connaît cette notion d'une langue française à défendre dans une mer de locuteurs anglophones. Pourtant l'initiative des pensionnats a failli éliminer le mohawk, l'innu, l'atikamekw, le cri et d'autres langages sans que cela ne choque personne. Et si les milieux scolaires faisaient ce pacte avec les peuples autochtones afin de redonner un peu de souffle à ces dialectes fondateurs présents bien avant l'arrivée d'Européens? Sans compter que les petits Canadiens comprendraient alors mieux les toponymies de nombreux lieux, montagnes, lacs, villes, etc. Après tout, Québec est littéralement un mot algonquin signifiant : "Passage étroit" ou "détroit".
À partir du XVIe siècle, les grandes puissances européennes ont voulu étendre leur influence sur le Nouveau Monde et aussi sur les anciens. Ainsi, l'Afrique a vu débarquer des milliers de soldats, missionnaires et autres qui ont, certes, modernisé certaines infrastructures mais surtout traité les Africains comme des êtres inférieurs. Des siècles plus tard, l'Europe va-t-elle commencer un processus de guérison en s'excusant pour ses gestes?
L'Église catholique était encore une des organisations religieuses les plus fortes dans le monde au début des années 2000. Depuis, tout s'érode depuis que des victimes d'abus de prêtres pédophiles s'expriment auprès des autorités judiciaires et médiatiques. Si, autrefois, ces histoires passaient sous silence, ce n'est plus le cas de nos jours . Portrait d'une institution ébranlée qui a obligé deux souverains pontifes à demander pardon publiquement.
L'Église catholique était encore une des organisations religieuses les plus fortes dans le monde au début des années 2000. Depuis, tout s'érode depuis que des victimes d'abus de prêtres pédophiles s'expriment auprès des autorités judiciaires et médiatiques. Si, autrefois, ces histoires passaient sous silence, ce n'est plus le cas de nos jours . Portrait d'une institution ébranlée qui a obligé deux souverains pontifes à demander pardon publiquement.
À partir du XVIe siècle, les grandes puissances européennes ont voulu étendre leur influence sur le Nouveau Monde et aussi sur les anciens. Ainsi, l'Afrique a vu débarquer des milliers de soldats, missionnaires et autres qui ont, certes, modernisé certaines infrastructures mais surtout traité les Africains comme des êtres inférieurs. Des siècles plus tard, l'Europe va-t-elle commencer un processus de guérison en s'excusant pour ses gestes?
Durant l'été 2021, la découverte de corps inhumés autour d'anciens pensionnats canadiens a remis en lumière cette page sombre de l'histoire canadienne. En effet, des milliers d'enfants des Premières Nations ont été arrachés à leur famille afin qu'ils perdent leur culture. Une initiative qui a laissé des cicatrices encore très fortes chez les survivants de nos jours.
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