La conception de jeux sérieux coûte suffisamment cher (entre 10 000 et 300 000 euros en moyenne) pour que le client ait quelques assurances quant à la qualité finale du produit. Malheureusement, il arrive que les jeux conçus et réalisés avec le plus grand soin aboutissent à des échecs, que le client ne s'y retrouve pas.
Ce phénomène ne touche pas seulement les jeux sérieux, mais une bonne partie des projets informatiques. Dans ce secteur, les dépenses de recherche-développement sont énormes, mais n'aboutissent pas toujours à des produits ou services répondant aux désirs des utilisateurs, ou créant un nouveau besoin chez eux. La réussite du iPhone en fait rêver beaucoup, mais reste exceptionnelle : un peu plus de 30 % seulement des projets informatiques engagés aux Etats-Unis arrivent à terme et génèrent des bénéfices.
Peut-être est-il temps de revoir les modes de développement de ces projets, pour augmenter le taux de succès.
La gestion de projet classique : rassurante mais rigide
Les experts en gestion de projet prônent une méthode
de production en cascade, une série d’étapes allant de la conception générale
jusqu’à la livraison du produit, d'une logique imparable. Dans cette méthode traditionnelle et largement utilisée, la planification prime sur la réalisation du projet et tout doit être pensé dans les moindres détails avant d'être effectivement mis en oeuvre. Car une fois que la réalisation est engagée, il est fort difficile de modifier quoi que ce soit.
A côté de cette méthode en existe une autre, particulièrement utilisée chez les fabricants de produits électroniques, dite le cycle en V, plus réactif que la méthode de planification traditionnelle, qui permet en cas de dysfonctionnement de revenir seulement à l'étape précédente.
Mais Béatrice Lhuillier, consultante en nouvelles technologies de formation, estime que ces deux approches classiques ne sont pas les meilleures pour le développement de jeux sérieux. Ceci parce que le client (utilisateur final ou son représentant) n'y a pas la place qu'il mérite et qui éviterait bien des développements inutiles. Béatrice Lhuillier a donc rédigé un livre blanc intitulé "Serious Game : produire autrement ?" prônant l'adoption de la méthode agile pour produire des serious games.
Opter pour l'agilité
Qu’est-ce que la méthode agile? En 2001, 17 personnalités du développement de logiciel se réunissaient pour créer le Agile
Manifesto (que l’on peut lire en français ici).
Ce document décrit une nouvelle façon de gérer un projet informatique : impliquant continuellement le client, cette méthode livre
rapidement des versions utilisables du programme (par exemple, un jeu). Plus souple que les méthodes classique, cette méthode s'appuie sur quatre "valeurs" :
- Les individus et leurs interactions avant les processus et les outils;
- Des fonctionnalités opérationnelles avant la documentation;
- Collaboration avec le client plutôt que contractualisation des relations;
- Acceptation du changement plutot que conformité aux plans. (p. 21)
Le livre blanc aborde en premier lieu les
concepts (le serious game, les approches traditionnelles de production, définition
de la méthode agile) pour, ensuite, proposer les grandes lignes de cette méthode agile de production de jeu. Celle-ci se base sur deux éléments fondamentaux : les "use cases", c'est à dire la description des échanges fonctionnels entre le système à développer et les utilisateurs, dans un ordre logique. Les "user stories", qui décrivent dans le langage de l'utilisateur final, ce qui se passera à l'écran après chaque manipulation ou commande. Ce dernier élément apparaît comme la véritable innovation par rapport aux méthodes traditionnelles, qui permet notamment d'évaluer les coûts de développement et de ne pas se fourvoyer dans le développement de fonctionnalités inutiles.
Le livre blanc est écrit dans une langue simple, qui le rend accessible aussi bien aux chefs de projets informatiques qu'à leurs clients. Il se termine par les difficultés possibles et les manières de les outrepasser.
Car il ne faudrait pas croire que cette nouvelle façon de
faire est la panacée. Mais étant plus souple, plus rapide, plus simple et
impliquant véritablement le client dans le processus, son taux de réussite
pourrait être de loin supérieur à celui que génèrent les méthodes les plus courantes. Évidemment, la méthode agile exige un investissement en temps assez important, tant du côté du chef de projet que du côté du client. Mais lorsqu’on dépense autant d’argent dans un support de formation, le jeu en vaut certainement la chandelle.
« Serious Game : produire autrement? »,
Béatrice Lhuillier, 36 p., 21 septembre 2011.
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