Parmi les termes les plus utilisés sur Internet, on retrouve
le fameux acronyme LOL. Pour ceux qui l’ignorent encore, cela veut dire
« laughing out loud ». Il est donc une représentation du rire de
l’internaute. Il a d’ailleurs sa version française MDR (mort de rire) qui n’a
tout de même pas le succès de son cousin anglais. Cette abréviation apparaît partout
dans les communications entre les utilisateurs du Net.
L’Internet et le sens de l’humour sont liés. Les sites de blagues ont été créés dès les premières années d'existence du réseau, et on en trouve encore quelques-uns dont le design "années 2000" nous rappelle cette époque. Mais le Web est devenu 2.0, et l’humour sur la toile a également changé.
Comment a-t-il évolué? Dans un débat réalisé dans le cadre des
conférences « Éclairages pour le 21e siècle » de la
Bibliothèque publique d’information (Paris), 4 intervenants ont discuté de la question. Un échange de 100 minutes très bien résumé par Rémi Sussan pour Internet Actu.
Culture de l’éclat de rire rapide
Ce qui ressort de cette discussion est que la culture du LOL
a pris le pas sur les blagues traditionnelles avec le partage comme principe majeur de fonctionnement. Désormais, les internautes vont
voir un gag (souvent visuel), rient, la partagent avec leurs amis et c’est fini. On assiste à de véritables phénomènes, tel celui des Lolcats (des images de chats accompagnées de légendes écrites dans un anglais enfantin, se rapprochant du SMS), dont certains blogueurs se sont fait une spécialité.
D’autres s’intéressent à la bêtise humaine (les ratés ou « fails »)
ou aux réussites (les « win »),
publient des affiches parodiant des photos retouchées ou véridiques,
etc. Encore tout récemment, une nouvelle tendance est apparue en comédie
visuelle : « Ce que les gens pensent de ce que je fais vs Ce que je fais vraiment ». dans cette catégorie, on grouve des posters composés d'images stéréotypées à propos d'une activité, ainsi qu'une prétendue réalité de cette activité, évidemment beaucoup moins glorieuse.
Cette rapidité du gag sur Internet a des répercussions sur
toutes les autres formes d’humour sur la Toile. Pensons aux webséries. Une des réussites actuelles autant à l’intérieur qu’à
l’extérieur de la France, Bref,
correspond exactement aux goûts de l’internaute : un montage rapide, rythmé, des
gags successifs ou récurrents (comme le sont les fails ou les lolcats) et des
thèmes auxquels les gens peuvent s’identifier (j’ai perdu mon temps sur
Internet, j’ai eu un entretien d’embauche, je suis sorti au cinéma avec cette
fille, etc.). Autre avantage majeur de Bref : la série peut très facilement être parodiée, comme on le voit sur YouTube. Le goût de la dérision a même un impact sur Twitter où les traits d’esprit sont
très retwittés et des mots-clés deviennent une occasion pour plusieurs de se
moquer. Pensons à la série de railleries qui suivirent le début de campagne
numérique de l'ancien candidat à la présidentielle française Jean-Pierre Chevènement.
Un humour condamné à Internet?
Lors de la discussion, les intervenants ont pointé deux limites de cette
culture LOL. Premièrement, l’humour Internet est certes un peu corrosif et
contestataire, mais contrairement à ce que l'on trouvait dans des publications comme Charlie Hebdo ou
Hara-Kiri, il n’y a pas d’engagement social derrière les blagues. Nous vivons plutôt une époque d'humour « hacking » où certains internautes, par
exemple, piratent des sites d’informations pour lancer de fausses annonces de
décès comme celui de Jean Dujardin ou du premier ministre québécois.
Deuxième critique : cet humour est presque condamné à rester sur Internet. En effet, si l’on exclut Bref qui est diffusé autant sur la Toile que
sur Canal Plus, il y a peu d’exemples de « comiques » du Web qui aient migré vers les médias traditionnels avec un réel succès. Il faut dire que le public n'a pas été tendre avec ceux qui ont tenté le grand saut vers la télévision, les accusant d'voir perdu leur inspiration et leur esprit frondeur. Deplus, les producteurs
de télévision ne sont pas nécessairement habitués à ce nouveau type
d’humour en ligne et tentent alors de l'adapter au média télévisuel plus classique.
Ainsi, des phénomènes comme celui de Norman fait des vidéos
– dont nous vous avions parlé ici – semblent cantonnés à la sphère
virtuelle. D’ailleurs, Norman lui-même ne veut pas quitter la toile. Un choix risqué
étant donné que pour l’instant, faire de l’humour sur le réseau n’est
pas très payant. Malgré tout, il s’en sort en s’associant avec des entreprises
comme Orange
ou, plus récemment, une marque de chocolat populaire.
En résumé, l’humour d’Internet est rapide et frappe dans le
mille pour provoquer un rire soudain qu’on a envie de partager à ses proches.
S'il use très volontiers de l'autodérision, il perd en profondeur, est éphémère et, pour l’instant, ne trouve
pas sa place en dehors du réseau. Il serait logique de conclure que l’humour
sur la Toile est condamné à cette culture d’instantanéité. Mais qui sait ? La
créativité des internautes et l’évolution des moyens technologiques pourront
améliorer la durabilité de la comédie dans le monde virtuel.
«LOL! Le web vous
fait-il rire ? », Rémi Sussan, Internet Actu.net, 10 novembre 2011
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