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Publié le 27 mars 2012 Mis à jour le 27 mars 2012

Emilie Bouvrand : "L'usage des Tice vise toujours à améliorer l'expérience d'apprentissage des étudiants"

Ingénieure d'étude techno-pédagogique, Emilie Bouvrand nous explique en quoi consiste son métier et quels sont les enjeux de l'utilisation des Tice dans l'enseignement supérieur

Emilie Bouvrand travaille en tant qu'ingénieure d'étude techno-pédagogique à l'Université de Bretagne Sud et pour l'Université Européenne de Bretagne, le PRES breton qui regroupe les quatre universités (Rennes 1, Rennes 2, l'université de Bretagne Ouest à Brest et l'université de Bretagne Sud) et les grandes écoles de la région.

Nous l'avons rencontrée pour qu'elle nous parle de son métier. En effet, les ingénieurs en technologies de la formation (qui peuvent prendre différents titres selon leur statut) ont fait leur apparition dans les universités françaises depuis quelques années. Que fait-elle ? Auprès de qui ? Quelle est sa formation initiale ?

Laissons la parole à Emilie.

 

Un fort intérêt pour l'accompagnement

 

J'ai été engagée par l'UBS en 2008, pour répondre aux missions liées au numérique de l'UEB dans cet établissement. L'UBS compte environ 500 enseignants. Les cours sont dispensés sur trois sites : Vannes, Lorient et Pontivy.

J'avais initialement choisi de m'orienter dans le secteur social, et j'ai obtenu un DUT Carrières sociales et Animation socio-culturelle. A ce titre, j'ai travaillé quelques années dans un lycée professionnel, où j'ai découvert le monde de l'enseignement. Ce qui m'a intéressée en particulier, c'est l'importance de la relation entre les enseignants et les élèves, son impact sur l'apprentissage des jeunes.

A la suite de cette expérience, j'ai passé un Master 2 en sciences de l’éducation, spécialisé en Technologies éducatives à l'Université Rennes 2 où je suis aujourd’hui chargée d’enseignement afin de partager mon expériences professionnelle auprès des étudiants.

Bien que le métier me semble passionnant, je n'avais pas le souhait de devenir enseignante, mais plutôt d'accompagner les enseignants dans leur maîtrise des technologies pour l'enseignement. Je me considère avant tout comme une accompagnatrice, quelqu'un qui mène l'autre à l'autonomie puis qui disparaît. Je ne me sens pas du tout investie d’une mission à délivrer des “bonnes pratiques” d’utilisation des technologies auprès des enseignants. Mes missions sont d’accompagner les pratiques et d’en suggérer de nouvelles.

 

Un but essentiel : améliorer l'expérience d'apprentissage des étudiants

 

Quand j'ai commencé à l'UBS, on parlait surtout des outils numériques (Tice), très peu de la pédagogie qu'il y a derrière leur utilisation. Les choses changent et j'en suis ravie, c'est un progrès. Le sens de mon travail est lié à cette relation étroite entre la pédagogie et les outils.

Dans l'absolu, quand un prof utilise les Tice, c'est toujours dans le même but : améliorer le processus d'apprentissage des étudiants en leur proposant des séquences de cours et des activités plus variées, dans lesquelles ils peuvent prendre de l'autonomie, être moins dépendants du prof pour apprendre.

Dans la réalité, on est parfois assez loin de cet objectif. Celui-ci ne disparaît pas, mais il faut franchir des étapes avant de l'atteindre et prendre le temps. Certains enseignants par exemple ont des demandes très simples, comme de déposer un diaporama sur notre plateforme Moodle. Quand on passe sa vie dans les Tice, on peut estimer que tous les profs devraient savoir faire cela, que c'est le b.a.-ba de l'utilisation des Tice, mais ce serait une erreur de raisonner de la sorte. Cette demande très simple, c'est un premier pas. L’essentiel, c'est de réussir une première étape, pour prendre confiance et avoir envie de continuer. C'est là que mon rôle prend toute son importance : j'écoute les demandes des enseignants, j'essaie de trouver des solutions adaptées avec eux puis je les accompagne pas à pas.

Par exemple, j'ai récemment réalisé un atelier sur le suivi des étudiants en stage à l'extérieur. Plusieurs profs m'avaient demandé s'il existait des outils qui pourraient leur faciliter certaines tâches : partager des ressources avec tout un groupe d'étudiants en stage dans des lieux différents, organiser des rencontres à distance à trois (l'enseignant tuteur, l'étudiant et le tuteur en entreprise), ouvrir un espace de dépôt en ligne pour déposer le mémoire de stage, créer un journal de bord dans lequel l'étudiant pourrait consigner ses observations au quotidien et auquel l'enseignant pourrait avoir accès... Lors de l'atelier, j'ai montré comment utiliser différentes fonctions de Moodle pour ces activités. Les enseignants avaient sans doute déjà vu ces espaces, mais ils ne les avaient pas reliées à des besoins précis, ni envisagé leurs usages pédagogiques. C'est la situation de stage qui a créé le besoin et, partant, l'intérêt pour ces outils.

 Je fais aussi de l'accompagnement individuel. Vous vous souvenez du dépôt de diaporama ? Eh bien, c'était la première demande d'une enseignante d'anglais. Depuis, elle a fait du chemin ! Elle a remplacé une partie de son cours en présence par de la formation à distance tutorée, bien sûr avec l'accord de son chef de département. Surtout, elle a élaboré avec les outils numériques des situations d'apprentissage beaucoup plus intéressantes que le cours en présence. Elle a ouvert et animé un forum, sur lequel les étudiants échangent en anglais (ceci, parce que dans la salle de classe, ils n'osent pas prendre la parole et ont donc très peu d'occasions d'améliorer leur niveau de langue). Cela a créé de l’interactivité en dehors des murs de l’université. Elle leur fait travailler des vidéos en salle informatique, pour préparer les devoirs qu'ils feront ensuite. Maintenant, elle s'intéresse aux outils du web 2.0 et veut les utiliser !

 

Les étudiants ne sont pas des champions des Tice

 

Évidemment, les étudiants sont ravis du changement et progressent plus vite. Mais il ne faut pas croire que nous étions dans une configuration de « vieille » prof devant de « jeunes » étudiants qui savaient tout sur les Tice. C'était exactement le contraire ! Elle a du former ses étudiants à l'usage des outils et à participer tout comme dans une salle de cours traditionnelle. Il faut arrêter de dire que les étudiants savent tout faire. Ils ont des usages extrêmement restreints des outils numériques en général. Pour nombre d'entre eux, le web se résume à bavarder sur Facebook, à regarder des vidéos marrantes sur YouTube, et à utiliser Google !

Cette enseignante a consacré un temps considérable à élaborer ses nouvelles séquences d'enseignement. Mais le jeu en valait la chandelle et maintenant elle fait figure d'exemple, d'autres profs sont tentés et viennent me voir. Il reste des obstacles d'ordre administratif. On manque de textes pour encadrer les pratiques. Il y a bien sûr le texte du décret de 2009 encadrant le nouveau statut de l'enseignant chercheur qui crée et anime des formations à distance. Mais rien n'est réellement encore prévu et clair, au niveau national, pour les enseignants qui veulent modifier leurs pratiques pédagogiques, sans créer nécessairement de nouvelles formations. Tout se fait donc par accord interne avec les chefs de départements et la gouvernance, ce qui n'est pas la situation idéale et crée de l'incertitude.

 

Communication, gestion de projet, travail en réseau...

 

Hormis l'accompagnement individuel et collectif des enseignants et la formation, j'ai différentes fonctions.

Je communique sur internet en interne et externe sur l'utilisation des Tice à l'université. Je réalise un bulletin à usage interne, avec des annonces d'événements, d'articles, et des témoignages d'utilisateurs. J’anime aussi un fil twitter qui permet à l’activité TICE de l’établissement d’être en lien avec les autres services TICE (sur Twitter : @actutice).

Dans un cadre régional, mes homologues du PRES Bretagne et moi-même allons inaugurer une émission de radio mensuelle consacrée aux Tice, intitulée ProximeeTIC. La première émission sera diffusée très prochainement sur notre wiki radio, ne la manquez pas !

Je participe également, et de manière très active, aux projets de l'UEB campus, c'est à dire aux projets du PRES touchant directement les Tice et le numérique avec mes homologues des établissements d’enseignement supérieur bretons.

Il y a par exemple un important projet de co-diplômation dans les 4 universités du PRES : l'étudiant pourra suivre des cours dispensés dans plusieurs des universités du PRES Bretagne sans avoir à se déplacer, notamment grâce aux salles de téléprésence immersive qui vont bientôt équiper nos 4 établissements. J’interviens notamment sur ce projet de co-diplômation à l'UBS. J’ai donc du me familiariser avec la méthodologie rigoureuse de gestion d'un projet de cette taille : respect des plannings et des budgets, mobilisation et coordination des différents services avec les personnes chargées de projets au niveau régional et mes collègues... Ces gros projets avancent lentement, il faut plusieurs années pour passer de l'idée aux premières mises en pratiques. Mais le projet de co-diplômation est en bonne voie, les premiers « co-diplômes » seront proposés à la prochaine rentrée universitaire.

Le travail et la veille en réseau constituent également une dimension importante de mon travail. J'ai des contacts très réguliers avec mes collègues du PRES et j'ai animé récemment « Les journées métiers de l'ingénierie pédagogique » à Rennes avec une collègue. Je participe également activement à un réseau régional dont les membres s’interrogent et s’entraident sur la plate-forme Moodle (“Les moodleurs bretons”).

A un niveau plus large, deux outils me sont devenus indispensables : Diigo et Twitter. Sur Twitter, je suis en lien avec de nombreux acteurs des TICE et du numérique. Nous avons besoin de ces échanges pour briser la solitude (je suis pour le moment seule à assurer ces missions d’accompagnement et de formations à l'UBS et même dans les grandes universités, il n'y a pas beaucoup de postes ouverts). Le ministère de l'enseignement supérieur a bien conscience de l'intérêt des réseaux professionnels et a des projets dans ce sens, me semble t-il.

Quant à Diigo, je me demande comment j'ai pu vivre sans ! J'appartiens au groupe Moodlelab. C'est un groupe ouvert, qui a été créé par quelques passionnés des Tice et de l'utilisation de Moodle en particulier. Nous venons d'univers très différents : il y a des profs, des ingénieurs techno-pédagogues, un enseignant-architecte... Le but est de mettre en commun les outils de FAD qui nous semblent intéressants et d’échanger sur nos pratiques. Nous avons eu une démarche très structurée pour créer ce groupe. Nous avons créé notre propre folksonomie pour indexer les produits et les articles, de manière commune, pour faciliter ensuite les recherches. A chaque fois que quelqu'un dépose un lien vers une application, des volontaires se désignent pour la tester et font le compte-rendu de leur expérimentation sur Diigo. C'est de cette manière, par exemple, que nous avons pu construire la carte mentale sur les outils pour enrichir un cours sur Moodle  (réalisée par Paula Caterino) dont vous avez récemment rendu compte

C’'est une vraie démarche de travail collaboratif à distance. Bien sûr, nous dépassons nos horaires de travail, mais cela n'est rien comparé aux avantages que cela nous procure, en termes de dynamique et de formation continue. Si vous voulez nous rejoindre, n'hésitez pas !

 

Alors franchement, j'aime mon métier, il me passionne. Je n'ai pas encore de poste stable (je suis en CDD), mais je n'ai pas envie d'aller voir ailleurs. J'ai encore beaucoup de choses à faire à l'UBS, il me semble. Je n'oublie jamais que tout ce travail mené avec les enseignants doit finalement profiter aux étudiants : les Tice améliorent incontestablement l'enseignement et l'apprentissage quand elles sont utilisées dans une intention pédagogique précise. L'outil est au service de la pédagogie et il serait impensable aujourd'hui pour moi de « militer » pour un outil ou une autre, sans que cela réponde à un besoin exprimé, et que l'on ait vérifié que l'outil en question était le plus adapté.

De plus, l'utilisation des TIC par les étudiants, que ce soit dans un cadre d'apprentissage ou un cadre de travail, doit devenir naturelle, évidente. Qui, aujourd'hui, accepterait d'embaucher un étudiant qui ne connaîtrait rien d'autre aux TIC que son réseau social favori,  un site de vidéos et un moteur de recherche ? En intégrant les Tice à leurs pratiques professionnelles, en les faisant utiliser par les étudiants, les enseignants contribuent concrètement à l'insertion professionnelle de leurs étudiants et à en faire des citoyens avertis, c'est certain.  

 

***

 

Retrouvez Emilie Bouvrand sur Twitter (@emiliebouv, @actutice) et sur Google plus. Consultez également  son portfolio

Pages de l'UBS et de l'UEB:

Les Tice à l’UBS 

L'université européenne de Bretagne (UEB)

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