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Publié le 16 septembre 2012 Mis à jour le 16 septembre 2012

L'espace de liberté du Web menacé

La liberté et la neutralité du Net sont menacés par divers projets de loi. Seule la mobilisation citoyenne semble actuellement être en mesure de contenir les appétits des industriels et des états

Lorsqu'Internet a été créé, personne, pas même ses fondateurs, n'aurait pu imaginer tout ce qui y transiterait. Les "biens de consommation culturels", en particulier, se promènent sur la toile avec une parfaite aisance, sous la forme de fichiers numériques qui ont rendu complètement obsolètes les notions de "copie" et d'"original", celles-ci ayant été fixées en relation à leurs supports matériels (livre, film, disque, etc.) aujourd'hui nettement détachés des contenus. Le modèle économique de certaines industries culturelles, basé sur la gestion de la rareté et l'exploitation des droits délégués par les artistes, s'est effondré. A un tout autre niveau, les réseaux de communication numériques, totalement décentralisés, mettent à mal les pratiques de censure. Les citoyens se sont mis à se servir du réseau pour dénoncer les politiques gouvernementales et organiser des manifestations... Certains pays totalitaires ont d'ailleurs eu vite fait de censurer la Toile avant d'être complètement débordés.

Alors, des états, même démocratiques, se demandent s'il ne faudrait pas réglementer cet espace qui échappe en grande partie à leur contrôle. De plus, les industries culturelles se battent pour que la législation sur le droit d'auteur soit davantage appliquée sur le Web. Et depuis peu, comme nous l'apprenait Geeko, des opérateurs télécom envisagent de créer leurs propres applications, pour contraindre leurs clients à passer par leurs tuyaux afin d'accéder aux contenus. Une atteinte profonde à la « neutralité du Net », qui défend le principe selon lequel le fournisseur de service doit uniquement mettre à disposition la bande passante sur le réseau sans réguler ce qu'y font les usagers.

Éviter la stérilisation d'Internet


Le SOPA, le PIPA, le WCIT, l'ACTA... Ces acronymes ont énormément circulé sur Internet dans la dernière année. Et pour cause, ces traités ou projets de loi ayant tous un but similaire : freiner la liberté sur le Web. Bien sûr, ils ne sont jamais présentés ainsi. Ils s'affichent sous des airs quasi angéliques. En effet, l'ACTA et le SOPA (Stop Online Piracy Act), entre autres, cherchaient à « protéger la propriété intellectuelle et lutter contre la contrefaçon faite sur le Web ».

L'objectif est en soi louable. Personne ne souhaiterait qu'un artiste ne puisse vivre de son art, ni même que les distributeurs mettent tous la clé sous la porte. Le problème est que la législation sur le droit d'auteur telle qu'elle existe actuellement ne tient pas compte d'une réalité qui a explosé avec Internet : celle du remix, du détournement et du mash-up, qui consiste dans l'utilisation d'oeuvres antérieures à des fins de détournement dans des oeuvres nouvelles. En effet, une grande partie du contenu du Web s'y trouve parce que les utilisateurs s'approprient en partie les objets culturels et les mettent ainsi à la disposition de tous les bricoleurs. Voyez par exemple cette parodie de chanson populaire ou cette célèbre bande-annonce transformant le film Mary Poppins en film d'horreur. L'idée, répétons-le, n'est absolument pas de voler la propriété intellectuelle, mais plutôt d'emprunter des éléments à un film, une série télévisée ou une œuvre musicale appréciée afin de créer quelque chose de nouveau.

Or, ces projets de loi rendraient ce type de création quasi-impossible puisque toute réutilisation sans autorisation de produits sous copyright deviendrait un crime (ce qu'elle est déjà dans l'absolu, tout en étant très difficile à prouver et arrêter). Pas étonnant que ce soient alors les créateurs du Web qui aient réagi le plus fortement à l'ACTA. Par exemple, beaucoup de testeurs de jeux vidéo français, dont la principale source de revenus passe précisément par la réutilisation ou la parodie de produits culturels (jeux vidéo, films, musique, etc.) dans leurs vidéos, se sont mobilisés contre l'ACTA au mois de mai dernier:


La mouvement de la Quadrature du Net a aussi farouchement lutté contre l'ACTA. Il est d'ailleurs intéressant de voir sa proposition de réforme de la loi sur la propriété intellectuelle pour, sans pénaliser l'industrie, permettre une plus grande liberté d'utilisation des produits sur Internet ou dans un cadre éducatif (écoles, bibliothèques, etc.).

Internet condamné ?


L'ACTA aura finalement connu le trépas en juillet 2012, date à laquelle les députés européens ont voté massivement contre. L'Australie, qui devait aussi s'y joindre, l'a abandonné dans les jours qui ont suivi ce désaveu. Or, comme dans un film d'horreur, le monstre ne meurt jamais vraiment à la fin. En effet, c'est désormais sous un autre nom, la CETA, que revient la menace. Cet acte déjà signé entre le Canada et l'Europe serait un cheval de Troie pour contourner les instances démocratiques et imposer des dispositions prévues par l'ACTA.

Dans l'entrevue de Geeko mentionnée plus haut, le directeur de l'Europe Internet Society se montre assez pessimiste sur l'avenir d'Internet puisqu'à son avis les attaques sur sa neutralité et sa liberté vont être de plus en plus fréquentes. Toutefois, une chose le rend optimiste : l'implication des internautes. Ce sont eux, au bout du compte, qui pourraient faire reculer ces projets. Le « Black-Out Day » du 18 janvier 2012 avait eu beaucoup d'impact. Tous les projets de Wikimédia (dont Wikipédia) et certains autres sites avaient fermé leur contenu pour la journée. D'autres, sans aller aussi loin, ont néanmoins ajouté leurs voix à la protestation comme Google, Mozilla, Flickr, etc. Sans compter les millions d'internautes qui ont signé les pétitions en ligne, entre autres.

Les utilisateurs du Net devront donc continuer à être très vigilants et prêts à se battre dans les prochaines années. La bataille pour la liberté du Web ne fait que commencer.

La Quadrature du Net, site du mouvement du même nom, luttant contre les projets de loi qui réduisent la liberté sur le Net.

Crédit photo: martinkrolikowski via photo pin cc


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