Comment se tenir face à un groupe ? Faut-il être assis ou debout ? Quelle est la bonne distance par rapport à la classe ou aux participants ? Quelle place ont les gestes, le regard ou la posture dans la communication de l'enseignant ou du formateur ?
Inspirés par les recherches en proxémique ou par les techniques utilisées dans d'autres domaines de la communication, quelques auteurs ont tenté de donner des éléments de réponse.
Jean Duvillard et les micro-gestes
Jean Duvillard vient de du monde de la musique. Il a produit des ressources très claires et opérationnelles sur le souffle et la voix. Il a également soutenu une thèse sur "l'introspection gestuée" où il analyse 5 catégories de "micro-gestes" : la posture, la voix, le mot, le regard et le déplacement. Il a animé le Mooc Insignis sur Claroline Connect avec l'Université Lyon 1 et quelques vidéos de ses animations sont disponibles sur internet.

La posture
Jean Duvillard nous recommande une posture professionnelle, cohérente avec le rôle de l'enseignant. Pas question de commencer à parler au groupe en entrant dans la salle, le café à la main ou les bras encombrés d'ouvrages. On entre, on se positionne, et on commence à prendre la parole. Dans les exercices qu'il propose à de jeunes professeurs des écoles, la prise de parole ne commence que lorsque le corps est installé dans le rôle.
Les jambes légèrement écartées, le corps en équilibre, et l'énergie vers l'avant caractérisent la bonne posture.
La distance avec le groupe
Jusqu'où se rapprocher du groupe, ou d'un individu ? Quand s'approcher d'une personne qui gêne la progression? Les vidéos de Jean Duvillard donnent des éléments de réponse.
La position de départ définit un angle droit, entre l'intervenant et les participants les plus éloignés. Mais si une personne perturbe ou rencontre des difficultés, il faut s'approcher pour engager un échange. Attention cependant à ne pas perdre le reste du groupe, et donc à revenir rapidement à une position qui permet de l'englober dans son ensemble.
Les 4 x 20
Cette règle est bien connue en techniques d'entretiens ou en vente. Elle rappelle que l'opinion que nous nous faisons d'une personne, ou notre engagement dans un échange se décident dans les premières secondes, et sur quelques signes.
Les 20 premières secondes sont essentielles, elles construisent justement cette première impression. L'entrée en scène du formateur, son comportement avant même qu'il ait pris la parole vont avoir un impact sur le lien avec le groupe. Les vingt centimètres du visage sont aussi ceux qui communiquent le plus. Jean Duvillard insiste sur le regard, qui doit pouvoir signifier "Est-ce que tu as compris ?", et donner à chacun le sentiment que l'enseignant s'adresse à lui personnellement.
Jean Duvillard souligne aussi l'importance des vingt premiers pas, biens connus des personnes politiques qui montent à la tribune comme des sportifs à l'échauffement. Ces pas vont traduire une certaine énergie, une tonicité.
Enfin, les vingt premiers mots vont bien entendu être déterminants pour le reste de l'échange.
Mais que faire de ses mains ?
Les mains participent naturellement à la communication. Elles créent l'espace autour du formateur, elles régulent le groupe, invitent à participer ou au contraire à réduire le volume des bavardages. Elles décrivent, elles montrent, elles rythment la présentation. Mais elles trahissent aussi la nervosité ou certains traits de notre caractère.
Beaucoup d'ouvrages et de sites traitent de la question. Il y a une telle attente du public pour "décrypter" le sens caché des gestes que certains ont profité de l'aubaine, en réalisant de véritables lexiques des gestes et attitudes, sans aucune validation statistique ou scientifique, et sans prise en compte de la dimension culturelle. Ces listes de gestes accompagnés de leur signification oublient un élément essentiel : la personne qui communique est perçue globalement, c'est une cohérence entre ses gestes, ce qu'elle dit, ce qu'on sait d'elle et le contexte qui vont produire du sens pour son public.

D'autres auteurs ont une démarche plus modeste mais aussi plus scientifique, qui consiste non pas à traduire ce que tel ou tel geste voudrait dire, mais à nous dire la façon dont un geste est perçu par une population donnée, à une époque donnée, dans un contexte donné...
Elles nous indiquent que selon les contextes, les bras croisés, la main sur le menton n'auront pas le même sens.
De tous ces travaux se dégagent néanmoins quelques grandes lignes. Ainsi, les gestes ouverts, horizontaux favorisent la communication et invitent le groupe à s'exprimer. Les gestes verticaux, les poings fermés dans un cadre de formation traduisent davantage la volonté de donner un message fort, qui ne souffrirait pas de contradiction.
Les gestes descriptifs, ceux qui désignent un élément du tableau ou qui miment une action renforcent le message et aident à comprendre.
L'intention avant la technique ?
Philippe Meirieu a conclu la soutenance de thèse de Jean Duvillard. Il cite Rainer Maria Rilke dans ses Lettres à un jeune poète :
"Personne ne peut vous conseiller ni vous aider, personne. Il n'est qu'un seul moyen. Rentrez en vous-même. Cherchez la raison qui, au fond, vous commande d'écrire (...)".
Et Philippe Meirieu distingue ainsi une démarche de l'enseignant qui serait tournée vers ses micro-gestes, vers une analyse détaillée et technique, et un questionnement poussé de son intention pédagogique. Dans le second cas, le geste n'est pas un "geste de comédie", mais un geste porteur de sens.
Et effectivement, certains professionnels de la communication qui maîtrisent la gestuelle, la proxémique et le placement de la voix paraissent parfois artificiels. Alors que d'autres plus maladroits, mais porteurs d'un message et d'une intention forte, communiquent plus efficacement. Mais on aurait tort aussi de croire qu'il suffit d'être animé d'une intention forte pour animer une classe.
Sans doute s'agit-il de maîtriser suffisamment la technique pour qu'elle ne soit plus apparente, comme chez les artistes, écrivains et musiciens !
Illustrations : Frédéric Duriez
Ressources
Jean Duvillard La voix, mon instrument de travail - consulté le 28 mai 2016
http://spiralconnect.univ-lyon1.fr/webapp/website/website.html?id=1448151&read=true&pageId=718
Jean Duvillard - Mooc Insignis sur Claroline Connect - Université Lyon 1
http://mooc.univ-lyon1.fr/workspaces/3781/open/tool/home/tab/4229
Philippe Meirieu - Conclusion de la soutenance de thèse de Jean Duvillard. Egalement très intéressant pour analyser l'évolution de la communication non-verbale de l'orateur, d'abord replié sur lui-même puis très ouvert dans ses gestes.
https://www.youtube.com/watch?v=SmH2NP8zMYI
En clin d'oeil, sur la question de la tenue vestimentaire qui fait partie de la communication non-verbale, vous pourrez analyser les premières secondes de la vidéo suivante, qui témoigne de partis-pris assez opposés.
https://www.youtube.com/watch?v=iuOiMyqHDKo
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