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Publié le 14 janvier 2019 Mis à jour le 14 janvier 2019

Pourquoi et comment développer une politique nationale de santé intégrant la médecine traditionnelle ?

De l'importance d'intégrer la médecine traditonnelle et alternative au système national de soins.

Tribal Herbal Medicines  @ Pankaj Oudhia via Flickr

Le rapport de l’OMS sur la Médecine traditionnelle présente la médecine traditionnelle comme

“la somme totale des connaissances, compétences et pratiques qui reposent, rationnellement ou non, sur les théories, croyances et expériences propres à une culture et qui sont utilisées pour maintenir les êtres humains en santé ainsi que pour prévenir, diagnostiquer, traiter et guérir des maladies physiques et mentales”.

La Médecine traditionnelle possède de nombreux aspects positifs dont la diversité et la souplesse, l’accessibilité et l’abordabilité, l’acceptation générale parmi de nombreux peuples de pays en voie de développement, une popularité accrue dans les pays développés, un coût relativement bas, un faible niveau de participation technologique et une importance économique grandissante. Tous peuvent être considérés comme des opportunités à maximiser. Pour mieux saisir cette croissance, quelques chiffres :

  • Au Canada en 2016, l'Institut Fraser a chargé Compas de mener une étude[1] nationale qui révèle que plus des trois quarts des Canadiens (79%) ont eu recours à la médecine traditionnelle ou complémentaire en 2016. C’était 74% en 2006 et de 73% en 1997.
  • Au Royaume-Uni, les dépenses annuelles consacrées à la médecine parallèle représentent US $230 millions ;
  • Aux USA, d’après la Commission for Alternative and Complementary Medicines, un montant de $17 milliards a été consacré aux remèdes traditionnels en 2000.
  • En 2007, le Brésil a vendu des thérapies traditionnelles pour US$ 160 millions[2]
  • En Afrique du Sud, à San Francisco et à Londres et, 75 % des personnes vivant avec le VIH ou le SIDA font appel à la médecine traditionnelle ou complémentaire (MTR/MCP);
  • En Afrique, en Asie et en Amérique latine, différents pays font appel à la médecine traditionnelle pour répondre à certains de leurs besoins au niveau des soins de santé primaires.
  • En Afrique[3], jusqu’à 80 % de la population a recours à la médecine traditionnelle pour les soins de santé primaires. Au Ghana, au Mali, au Nigéria et en Zambie, le traitement de première intention pour 60 % des enfants atteints de forte fièvre due au paludisme fait appel aux plantes médicinales administrées à domicile.
  • En Allemagne, 90 % des gens prennent un remède naturel à un moment ou à un autre ;
  •  En Chine, les préparations traditionnelles à base de plantes représentent entre 30 et 50 % de la consommation totale de médicaments.
  • En Europe, en Amérique du Nord et dans d’autres régions industrialisées, plus de 50 % de la population a eu recours au moins une fois à la médecine complémentaire ou parallèle.
  • L’OMS estime que, dans plusieurs pays d’Afrique, la plupart des accouchements sont pratiqués par des accoucheuses traditionnelles.
  • Le marché mondial des médicaments à base de plantes est passé de $ 19,5 milliards en 2008 à $ 32,9 milliards en 2013, soit un taux de croissance annuel de 11,0% selon une étude menée en 2009 par BCC Research[4].
  • Le Viet-Nam, la République de Corée et la Chine ont aujourd’hui entièrement intégré la médecine traditionnelle dans leur système de soins.

L’absence de cadre réglementaire

Malgré cet usage croissant, très peu de pays ont mis au point une politique nationale sur la médecine traditionnelle. Or de telles politiques sont nécessaires pour définir le rôle de la médecine traditionnelle dans les systèmes d’offre de soins de santé ainsi que sa contribution à la réforme du secteur de la santé. Elles peuvent également assurer que les mécanismes réglementaires et juridiques nécessaires soient en place pour promouvoir la visibilité, la viabilité, l’applicabilité et les attitudes modernes favorables à la médecine traditionnelle. En l’absence de tels mécanismes, la médecine traditionnelle est pratiquée sans cadre règlementaire[5] et partant, sans protection du patient/consommateur.

Aujourd’hui, seulement une soixantaine des 191 États membres de l’OMS[6] ont mis au point une politique nationale de MTR/MCP. Etant donné le peu de données scientifiques sur l’innocuité et l’efficacité de la médecine traditionnelle, il est important pour les gouvernements de :

  1. Formuler une politique et une réglementation nationales pour le bon usage de la médecine traditionnelle;
  2. Mettre en place des mécanismes de réglementation pour contrôler l’innocuité et la qualité des produits et des pratiques de la médecine traditionnelle ;
  3. Sensibiliser le grand public et les consommateurs aux thérapies traditionnelles qui peuvent être appliquées avec efficacité et sans danger[7] ;
  4. Cultiver et conserver les plantes médicinales pour un usage durable.

Ici, nous nous focalisons sur le premier, à savoir, la formulation d’une politique nationale pour le bon usage de la médecine traditionnelle.

Les étapes clés dans l’élaboration d’une politique nationale sur la médecine traditionnelle.

  1. Définition de la médecine traditionnelle : par exemple, dans la majorité des pays, la pharmacopée traditionnelle fait l’objet d’une réglementation, mais le contrôle législatif des plantes médicinales n’a pas suivi un modèle structuré parce que les produits à base de plantes ne sont pas définis partout de la même façon et que diverses approches ont été adoptées pour l’homologation[8], la fabrication et le commerce de ces produits.
  2. Définition du rôle du gouvernement dans le développement de la médecine traditionnelle.
  3. Assurance de l’innocuité et de la qualité des thérapies et produits de médecine traditionnelle.
  4. Création ou expansion de la législation relative aux prestataires de MTR/MCP et réglementation des médicaments à base de plantes.
  5. Éducation et formation des prestataires de médecine traditionnelle.
  6. Promotion d’un usage correct de la MTR/MCP[9].
  7. Renforcement des capacités des ressources humaines de médecine traditionnelle[10], y compris attribution de ressources financières.
  8. Couverture par l’assurance santé de l’État.
  9. Prise en compte des questions de propriété intellectuelle : Ceci est important pour éviter le « bio piratage » ou appropriation illicite de connaissances et matériaux relatifs à la médecine traditionnelle. Les objectifs et implications de la protection des droits de propriété intellectuelle devraient donc être considérés dans le détail.

Toute politique de MTR/MCP devrait donc recouvrir plusieurs questions : législation et réglementation des produits à base de plantes et de la pratique des thérapies ; recherche et développement ; attribution de ressources financières et autres. De bonnes politiques de MTR/MCP vont augmenter les types de soins de santé sûrs et efficaces disponibles aux patients et consommateurs.

À cet effet, le Rapport sur les progrès de la décennie de la Médecine traditionnelle africaine dans la région africaine (OMS-AFRO, 2011) indique que certains pays africains ont mis en place ou renforcé leurs capacités institutionnelles et élaboré des politiques nationales et les cadres juridiques pour la pratique de la médecine traditionnelle. 

Enfin, il est important d’exercer une grande prudence lors du développement de politiques de MTR/MCP. Une évaluation consciencieuse doit tout d’abord être faite de l’usage et de la pratique de la MTR/MCP dans le pays concerné ainsi que des moyens les plus appropriés de l’utiliser pour l’aider à atteindre ses objectifs en matière de soins de santé.

« Les politiques nationales devraient être avantageuses pour les patients utilisant les thérapies de médecine traditionnelle. Elles échouent sur ce plan si elles sont incapables d’assurer l’innocuité, l’efficacité et la qualité des produits et pratiques de médecine traditionnelle, limitent la pratique de la médecine traditionnelle, ou réduisent la capacité des allopathes à renvoyer leurs patients à des tradipraticiens. Des stratégies d’information, éducation et communication pourraient surmonter certains de ces problèmes et sensibiliser aux avantages potentiels de la médecine traditionnelle. »

 

[1] « Complementary and Alternative Medicine: Use and Public Attitudes 1997, 2006, and 2016 », Fraser Institute, 25 avril 2017
https://www.fraserinstitute.org/studies/complementary-and-alternative-medicine-use-and-public-attitudes-1997-2006-and-2016
 

[2] Shetty P : Place de la médecine traditionnelle dans le système de santé: Faits et chiffres SciDev.Net 30 juin 2010.
 

[3] OMS, « Activités de l’OMS dans la Région africaine 2016-2017 - Rapport biennal de la Directrice régionale 4th proof_0.pdf », consulté le 11 janvier 2019,
https://www.afro.who.int/sites/default/files/2018-03/Activit%C3%A9s%20de%20l%E2%80%99OMS%20dans%20la%20R%C3%A9gion%20africaine%202016-2017%20-%20Rapport%20biennal%20de%20la%20Directrice%20r%C3%A9gionale%204th%20proof_0.pdf
 

[4] « Plantes médicinales et extraits de plantes », consulté le 12 janvier 2019,
http://www.intracen.org/itc/secteurs/plantes-medicinales/
 

[5] D’après l’OMS, les cadres réglementaires des pays africains ont augmenté de 1 en 1999/2000 à 28 en 2010, y compris des instruments divers comme le code de déontologie et le cadre juridique pour les praticiens de la médecine traditionnelle. Mais cela demeure toujours insuffisant.
 

[6] « Stratégie de l’OMS pour la médecine traditionnelle pour 2002-2005: Chapitre 2. Défis: 2.2 Politiques nationales et cadre juridique », consulté le 15 janvier 2019,
http://apps.who.int/medicinedocs/en/d/Js2298f/5.2.html
 

[7] Ngnaoussi Elongue C. Christian, « Les 5 Defis de La Medecine Traditionnelle Africaine », consulté le 11 janvier 2019,
https://www.academia.edu/33733066/Les_5_defis_de_la_medecine_traditionnelle_africaine
 

[8] Willcox M, Sanogo, R. Diakite C, Giani S, Paulsen BS, Diallo D : Improved Traditional Medicines in Mali Journal of Alternative and Complementary Medicine 18(3) : 212 – 220, 2012 (doi: 10.1089/acm.2011.0640 PMCID: PMC3306581 ).
 

[9] Taubman A: Pour une reconnaissance des systèmes médicaux traditionnels SciDev.Net 30 juin 2010
http://www.scidev.net/fr/health/integrating-modern-traditional-medicine/opinions/pour-une-reconnaissance-des-syst-mes-m-dicaux-traditionnels.html
 

[10] Christian ELONGUE, « Pourquoi il faut intégrer les guérisseurs traditionnels dans le système de santé national », Afropolitanis (blog), 22 octobre 2016
http://lafropolitain.mondoblog.org/2016/10/22/faut-integrer-guerisseurs-traditionnels-systeme-de-sante-national/


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