On le sait, un professeur d'université accède à son poste généralement grâce à son travail de thèses, ses articles de recherche et son réseau académique, bien plus que sur la base de ses compétences en tant qu'enseignant. Une primauté de la recherche sur l’enseignement si répandue dans les universités et qui suscite de plus en plus de débats, car excellence académique ne rime pas toujours avec excellence pédagogique. Mais ne faudrait-il pas aussi donner des points de repère aux enseignants pour qu'ils deviennent des professionnels confirmés de la pédagogie ?
Quel profil pour l’universitaire idéal ?
La réponse à cette question, Nancy Brassard semble l’avoir déjà trouvée. En mettant au point son profil de compétences de l’enseignant de niveau universitaire, dont le principal but est de «servir de référence, de guide, afin de permettre aux individus à qui il s’adresse de structurer leur développement professionnel » , cette Docteure en administration des affaires (DBA), professeure à l'ENAP et présidente du Groupe d'intervention et d'innovation pédagogique (GRIIP) au Canada, propose ainsi un document de référence qui pourrait servir de base pour évaluer les performances des enseignants d’universités. En insistant sur leurs compétences pédagogiques, l’auteure, pour qui la pédagogie demeure « la compétence fondamentale du profil d’un enseignant de niveau universitaire » voudrait tout simplement replacer la pédagogie au cœur des processus d’enseignement-apprentissage dans les établissements d’enseignement supérieur. Elle estime qu’il est donc important de pouvoir définir avec précision les différentes capacités requises (tant académiques que pédagogiques) afin de pouvoir le juger par la suite en tant qu’enseignant de niveau universitaire de valeur.
Le profil de compétences de l'enseignant de niveau universitaire élaboré par Nancy Brassard se répartissent dans les 10 domaines composant la pédagogie :
- Leadership d'expertise
- Communication
- Raisonnement critique
- Écoute
- Encadrement
- Collaboration
- Évaluation
- Résolution de problème
- Technologie
- Professionnalité
Chacun de ces domaines est lui-même composé de plusieurs sous-domaines, pour lesquels des exemples de comportements adaptés / compétences sont donnés. Par eemple, pour le domaine "Analyse", lui-même intégré à la catégorie supérieure "Raisonnement critique" :
- Établir des relations simples;
- Analyser de façon rudimentaire les rapports entre quelques éléments d'un problème ou d'une situation;
- Établir certains liens causals fondamentaux;
- Établir des relations multiples.
Rien de bien méchant donc, et surtout rien que ne soit à la portée des enseignants universitaires. De manière surprenante, la compétence pédagogique en elle-même est remarquablement peu détaillée dans ce guide. Il est seulement mentionné que "la personne compétente en pédagogique est capable de transmettre ses connaissances, de créer un climat d'apprentissage ainsi que de faire preuve de leadership pédagogique, soit d'enseigner un savoir ou une expérience par des émthodes adaptées à un individu ou à un groupe d'individus (...)". Nous n'en saurons pas plus sur ces "méthodes adaptées", ni sur le moyen de les acquérir.
Excellents chercheurs ou bons pédagogues : l’université peut-elle vraiment choisir ?
Il serait souhaitable que ce guide débouche sur des pratiques d'évaluation des enseignants accompagnées d'une obligation de formation pédagogique. Comme le souligne Laure Endrizzi dans un dossier de l'IFÉ consacré à l'enseignement dans le supérieur, l’on « ne peut plus se permettre de croire qu'être un bon chercheur suffit pour être un bon enseignant, ni de penser que « miser » sur l'auto-formation constitue une politique viable, parce que conforme à l'habitus de la profession ». Une affirmation qui laisse croire que les enseignants d’université auraient bien besoin eux-aussi d’une formation préalable, afin d’éviter que l’enseignement dans les universités ne privilégie essentiellement une approche centrée presqu’exclusivement sur la simple transmission des connaissances, au détriment d’une approche plus centrée la transmission d’aptitudes et sur l’apprenant lui-même.
Il ne s'agit pas ici de choisir entre recherche et enseignement, tant il est vrai que l’une ou l’autre des options à elle seule ne saurait suffire. Cependant, la perpétuelle primauté de l’excellence académique sur les compétences pédagogiques des enseignants d’universités commence à montrer ses limites. Car la faiblesse pédagogoique des enseignants, entretenue par l'institution, a des effets néfastes sur le taux de réussite des étudiants.
On peut souhaiter qu'un débat s'engage sur les différentes façons de décliner ce référetiel de compétences dans les établissements.
Brassard N. : profil de compétences de l’enseignant de niveau universitaire. ENAP, Avril 2012.
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