Articles

Publié le 30 septembre 2013 Mis à jour le 30 septembre 2013

Mobile learning et enseignement supérieur en Afrique

Espoirs, attentes déçues et perspectives du m-learning en Afrique

Le boom de la téléphonie mobile en Afrique est indéniable. Révolutionnaire même. Une révolution qui semble n’épargner aucun domaine, de l’économie à la santé en passant par l’agriculture et l’éducation dans de nombreux pays africains. Cependant, l’intégration de la téléphonie mobile dans les pratiques du monde de l’éducation et de l’enseignement supérieur en l’occurrence semble encore assez limitée et quelque peu désordonnée (dans les cas où des efforts sont faits). Et pourtant. Le m-learning ne peut-il pas contribuer à améliorer l’offre et peut-être la qualité de l’enseignement supérieur en Afrique ? Les pays africains ont-ils vraiment saisi les enjeux du m-learning dans l’enseignement supérieur ? Autant de questions et bien d’autres auxquelles cet article tente d’apporter des réponses.

 

Téléphonie mobile et éducation en Afrique : état des pratiques

Parler de m-learning en Afrique aujourd’hui n’est pas une nouveauté. Nombre de choses ont a d’ailleurs déjà été dites à ce sujet. Et si, comme le souligne Donald Clark, spécialiste britannique du e-learning, dans un article paru sur son blog Plan B, « les pays africains figurent en tête du classement des pays où l’on recense de plus grand nombre de connexion au site Wikipédia à partir d’un téléphone mobile », ce n’est pas un hasard. Car, qu’il s’agisse d’optimiser la communication entre enseignants, entre enseignants et étudiants ; de permettre aux étudiants chercheurs de prendre des photos, enregistrer des interviews et même des vidéos lors de descentes sur le terrain ou pour pallier au manque de livres (usages d’applications mobiles pour avoir accès à des ressources académiques à partir d’un téléphone) ; les exemples d’usages pédagogiques de la téléphonie mobile sur le continent sont légions, comme le montre d’ailleurs cet article de Morgan Tual de Youphil.com. Mais, malgré ce dynamisme apparent, le m-learning peine à vraiment s’imposer dans les pratiques ayant cours dans les milieux éducatifs en Afrique, notamment dans l’enseignement supérieur. Et pour diverses raisons.

 

Les défis de la normalisation du m-learning dans les institutions universitaires en Afrique

Proposer des cours accessibles à partir d’un téléphone mobile, développer des applications permettant d’accéder à des contenus académiques en ligne par exemple, demeure encore utopique. Preuve que, même si la moitié des africains possèdent un téléphone mobile comme l’affirme Killian Fox, la démocratisation du m-learning dans l’enseignement supérieur est loin d’être une réalité. Un retard dont les causes peuvent être évaluées à diverses échelles :

→ Au niveau des gouvernements. La quasi-absence de stratégies nationales de promotion des usages des TIC dans l’enseignement supérieur, comme le souligne un rapport conjoint de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement paru en 2012, est un frein à une véritable intégration du m-learning dans l’enseignement supérieur dans de nombreux Etats africains. Un problème auquel s’ajoute le manque de financements et de projets visant l’intégration pédagogique des technologies mobiles dans l’enseignement supérieur.

→ Au niveau des institutions universitaires, on note une quasi-absence de programmes spécifiques (accessibles à partir d’un téléphone mobile) proposés aux étudiants. Une carence découlant peut-être tout simplement d’une absence de politique gouvernementale allant dans ce sens ou d’un manque de volonté de la part de certaines institutions universitaires comme le regrette le professeur Francisca Aladejana, du College of Education d’Ikere-Ekiti au Nigeria, lorsqu’elle affirme dans un article du Times Higher Education : « les universités elles-mêmes ne fournissent pas d’efforts particuliers pour intégrer les technologies mobiles dans les processus d’enseignement-apprentissage ». De son côté, Freda Wolfenden, ancienne directrice du projet TESSA de l’Open University, dans le même article, regrette le fait que, dans les pays où des ressources mobiles destinées à l’enseignement supérieur tendent à exister, l’offre en elle-même « n’est pas structurée ».

Limites auxquelles s’ajoute le manque d’infrastructures devant permettre la durabilité et la rentabilité de tels projets. Et peut-être aussi le manque de compétences et d’expertises dans ce domaine qui, quand bien même il y’aurait une volonté politique avérée, justifierait le statu quo de certaines institutions universitaires.

Au niveau des individus. Si la moitié des africains possèdent un téléphone portable, force est de reconnaitre qu’il s’agit surtout de téléphones de première génération. Le taux de pénétration des smartphones sur le continent est encore assez faible, estimé à seulement « 17-19% », comme l’affirme Matthew Labrooy d’E-learning Africa. Bien que ce taux varie selon les pays, toujours est-il que les smartphones demeurent encore inaccessibles pour bon nombre d’Africains, à cause de leur coût élevé. Ceci évidement, rend encore plus difficile l’atteinte de cet objectif d’intégration pédagogique du téléphone mobile dans l’enseignement supérieur car c’est principalement à partir de smartphones que le m-learning est possible (à quelques exception près), du fait de ces fonctionnalités particulières (applications) qu’il requiert.

Un problème auquel il faudrait peut-être aussi ajouter le manque d’intérêt des étudiants eux-mêmes pour l’usage pédagogique du téléphone mobile, car « disposer des technologies est en effet un atout mais, tout comme Internet, il y a toute éducation à effectuer sur l’usage à avoir de ces dernières. » comme le commente Matthew Labrooy. Et pourtant le m-learning présente de nombreux avantages.

Que gagneraient les pays africains à normaliser ce secteur ?

En 2012, comme le rappelle Chris Parr dans un article, la chaine de télévision CNN déclarait que « la technologie mobile avait un potentiel immense pour résoudre les problèmes liés aux dysfonctionnalités du système éducatif africain… car les téléphones mobiles – plus facile à acquérir et à manipuler que des ordinateurs – gagnaient du terrain en tant qu’outils d’apprentissage ». Le m-learning semble donc être une voie prometteuse en matière d’information et éventuellement de formation dans les régions confrontées aux défis d’une connexion Internet aléatoire, tout comme il permettrait de pallier aux problèmes de délestages assez récurrents dans certaines localités en Afrique. Il pourrait constituer une solution pour limiter les déplacements des jeunes bacheliers vivant dans des milieux ruraux et souvent contraints à l’exode rural pour pouvoir poursuivre leurs études universitaires.

C’est peut-être également une solution contre le décrochage universitaire, les étudiants pouvant suivre leurs cours à partir de leurs smartphones depuis le domicile familial. Fini les tracasseries de la vie dans les cités universitaires insalubres et mal famées pour la plupart. Tout ceci semble peut-être un peu surréaliste aujourd'hui, mais les efforts déjà déployés dans ce sens sur le continent tant par des particuliers que par des entreprises privés semblent augurer des jours meilleurs.

 

Des initiatives louables voient le jour

Au niveau international, mentionnons les nombreux efforts de l’AUF qui se déploie dans la formation d’experts dans ce domaine notamment à travers l’octroi de bourses, ou ceux du projet TESSA qui envisagerait désormais de réadapter ses contenus afin de les rendre mieux accessibles à partir d’un téléphone mobile.

Au niveau local, même si la majorité des initiatives visant à vulgariser le m-learning sur le continent cible essentiellement l’enseignement primaire et secondaire, notons les efforts de particuliers tels que Christine Ofulue, professeure assistante de linguistique à la National Open University du Nigeria, qui travaille à la conception d’applications pour téléphones mobiles en langues locales/idiomes du Nigéria comme le Yoruba, l’Igbo, l’Hausa et le Pidgin, question de les rendre évidemment accessibles au plus grand nombre d’étudiants d’une part, mais aussi d’imprimer la marque de l’Afrique et du Nigéria dans cette vulgarisation. Après tout, le plus important n’est-il pas que l’Afrique trouve sa propre voix ?

Autant de propositions dont la pertinence et la viabilité devraient certainement être analysées en profondeur car, comme le souligne Mary Burns de Partenariat Mondial pour l’Education : « la technologie ne constitue pas la réponse à tous les problèmes ». Le m-learning ne sauvera donc certainement pas l’éducation et l'enseignement supérieur en Afrique, mais il peut potentiellement apporter une contribution significative.

 

Références :

- Essono, Louis-Martin in m-learning en Afrique: pour qui? Pour quand? Pour quoi ?, Thot Cursus, 22 août 2012. Lien: http://cursus.edu/dossiers-articles/articles/18409/learning-afrique-pour-qui-pour-quand/

- Clark, Donald in Wikipedia Zero – Mobile as lifeline to learning, Plan B, 26 juillet 2013. Lien: http://donaldclarkplanb.blogspot.com/2013/07/wikipedia-zero-mobile-as-lifeline-to.html

- Tual, Morgane in Afrique: comment le mobile profite à l’éducation,  Youphil.com, 17 janvier 2013. Lien : http://www.techethique.blog.youphil.com/archive/2013/01/17/afrique-comment-le-mobile-profite-a-l-education.html

- Fox, Killian in Africa’s mobile economic revolution, The Guardian, 24 juillet 2011. Lien: http://www.theguardian.com/technology/2011/jul/24/mobile-phones-africa-microfinance-farming

- Parr, Chris in Africa’s mobile phone e-learning transformation, Times Higher Education, 12 septembre 2013. Lien: http://www.timeshighereducation.co.uk/features/africas-mobile-phone-e-learning-transformation/2007120.fullarticle

- Labrooy, Matthew in L’Afrique à l’heure de la révolution des smartphones, eLearning Africa, 04 avril 2013. Lien : http://www.elearning-africa.com/eLA_Newsportal/lafrique-a-lheure-de-la-revolution-des-smartphones/

- Khoussou, in Wapeduc développe le m-learning en Afrique, Economie numérique le blog, 23 septembre 2012. Lien : blog.economie-numerique.net/2012/09/23/wapeduc-developpe-le-m-learning-en-afrique/

- Burns, Mary in Téléphonie mobile et formation des enseignants, Partenariat mondial pour l’éducation, 20 août 2013. Lien : http://www.educationforallblog.org/fr/education-and-technology/if-we-text-it-will-they-learn

Illustration : Danie Nel, Shutterstock.com


Voir plus d'articles de cet auteur

Dossiers

  • Irrigation culturelle mobile


Le fil RSS de Thot Cursus via Feed Burner.


Les tweets de @Thot


Accédez à des services exclusifs gratuitement

Inscrivez-vous et recevez des infolettres sur :

  • Les cours
  • Les ressources d’apprentissage
  • Le dossier de la semaine
  • Les événements
  • Les technologies

De plus, indexez vos ressources préférées dans vos propres dossiers et retrouvez votre historique de consultation.

M’abonner à l'infolettre

Superprof : la plateforme pour trouver les meilleurs professeurs particuliers en France (mais aussi en Belgique et en Suisse)


Effectuez une demande d'extrait d'acte de naissance en ligne !


Ajouter à mes listes de lecture


Créer une liste de lecture

Recevez nos nouvelles par courriel

Chaque jour, restez informé sur l’apprentissage numérique sous toutes ses formes. Des idées et des ressources intéressantes. Profitez-en, c’est gratuit !