La folie des Massive Open Online Course continue et inspire même les politiques nationales d'enseignement supérieur, comme le projet FUN (France Université Numérique) qui a été inauguré tout récemment en France. Ce vaste projet a pour ambition d'accélérer la numérisation de l'offre de cours de l'enseignement supérieur français et comprend un volet MOOC qui n'est pas passé inaperçu. Le projet global sera doté de 12 millions d'euros.
Toutefois, il ne fait pas l'unanimité. Tout d'abord, certains regrettent que le ministère de l'Éducation supérieure ait exclu du projet de nombreuses jeunes entreprises de MOOC. Deuxièmement, il reste encore des questions sur la possibilité de partenariat publics-privés et sur le nombre de personnes qui, dans les universités, contribueront au projet global. La ministre parle d'une création de 500 emplois sur cinq ans, mais certains pensent qu'ils seront en sous-nombre face aux demandes des établissements. Enfin, le montant alloué semble modeste si on le compare aux sommes investies par les géants du MOOC américains comme Coursera (65 millions de dollars) et edX (60 millions).
Gratuit, mais cher à produire
La question du financement des MOOC n'est pas nouvelle. Nous en parlions au début de l'année 2013, les expériences se multiplient, mais bien peu d'équipes publient leurs chiffres. Car ne nous y trompons pas, ces formations gratuites sont onéreuses. Un cours de 4 à 8 semaines nécessite entre 50 et 150 jours de préparation et peut coûter la bagatelle de 20 000 euros si la plupart des intervenants sont bénévoles (les autres prenant sur leur temps de travail salarié), et jusqu'à 77 000 euros pour les plus coûteux et complexes. Ces montants sont issus d'un intéressant article rédigé par Matthieu Cisel sur son blog hébergé par Educpros, qui réalise plusieurs simulations de budgets pour la réalisation de MOOCs académiques transmissifs (xMOOCs), utilisant la vidéo comme suport pricipal de contenus. Les sommes sont déjà élevées, mais aux États-Unis, les coûts de réalisation / distribution se situent entre 100 000 et 200 000 dollars.
Alors, comment finance-t-on ce nouveau marché de l'éducation qui mise sur la gratuité pour attirer les foules ? Nous avions déjà parlé de ces plateformes américaines qui offrent des services de placement pour les étudiants ou qui font payer les certificats et les crédits universitaires.
D'autres sources de finacement sont à l'étude. Certains proposent d'autoriser, comme sur les pages Internet, la présence de bannières publicitaires dans la plateforme du cours. D'autres envidagent lespartenariats avec des sponsors ou commanditaires de certains conteus de formation. Un MOOC sur les assurances par exemple ourrait être soutenu au titre du mécénat par une entreprise de ce domaine. On parle aussi d'intégrer des boutiques dans la plateforme de MOOC dans lesquelles les participants ourraient acheter des ouvrages, du matériel optionnel ou, pourquoi pas, des mugs frappés du logo de "leur" MOOC !
D'autres opérateurs s'intéressent de très près au milieu professionnel. L'argument de gratuité n'a en effet pas le même poid pour une entreprise que pour un particulier. Bien des entreprises seraient prêtes à payer pour avoir accès à une plateforme adaptée àleurs besoins (notamment au niveau de la confidentialité des données et des parcours), sur laquelle elles auraient accès à des contenus de qualité. D'ailleurs, il semble que ce marché soit très prometteur pour l'avenir des MOOCs, au prix de quelques améliorations décisives (ergonomie, sécurité, diversification des formats...).
Un marché européen en pleine expansion
Mais ces stratégies auront-elles le temps d'être testées en France et en Europe, avant que les compagnies américaines ne raflent tout le marché ? Les intervenants interrogés restent optimistes, même s'ils admettent que le combat sera rude face à des machines de guerre américaines très bien financées. Et la réaction des internautes semble leur donner raison : la plateforme allemande Iversity compte désormais plus de 220 000 inscrits (dont 75 000 pour son cours vedette, The Future of Storytelling); les pré-inscrits se comptent aussi par dizaines de milliers sur la plateforme de FUN et sur la plateforme britannique FutureLearn, chacune de ces trois plateformes européennes proposant entre 20 et 30 MOOCs pour le moment. La plateforme espagnole MiriadaX, qui a une année d'avance sur les autres plateformes européennes, a pour sa part joué la carte de la fédération linguistique (espagnol et portugais); elle est actuellement utilisée par une vingtaine d'établissements -plusieurs universités latino-américaines intégrant le consortium en 2014- et compte plus de 250 000 inscrits. Des "petits" scores face aux millions d'inscrits des plateformes américaines, mais qui montrent que l'intérêt est réel et qu'une partie au moins des utilisateurs européens sont en attente de cours dans leur langue, distribués par des établissements dont ils partagent la culture.
Tous les acteurs sont en recherche de leur modèle économique; il n'est pas dit que les leaders d'aujourd'hui le restent encore demain. Et surtout, il n'est pas dit que toutes les régions du monde adoptent le même.
Références :
Portail du Gouvernement. "France Université Numérique : la première plateforme d'enseignements en ligne est ouverte." 29 octobre 2013. http://www.gouvernement.fr/gouvernement/france-universite-numerique-la-premiere-plateforme-d-enseignements-en-ligne-est-lancee.
Boy, Claire. "Qu'attendre de FUN, le Mooc public à la française ?" La Tribune. Dernière mise à jour : 28 octobre 2013. http://www.latribune.fr/actualites/economie/france/20131028trib000792805/qu-attendre-de-fun-le-mooc-public-a-la-francaise-.html.
Cisel, Matthieu. "Monter un MOOC : combien ça coûte ? | La révolution MOOC." Les blogs Educpros.fr. 12 novembre 2013. http://blog.educpros.fr/matthieu-cisel/2013/11/12/monter-un-mooc-combien-ca-coute/.
Esposito, Odile. "Mooc : un énorme business ... encore à inventer." La Tribune. Dernière mise à jour : 28 octobre 2013. http://www.latribune.fr/actualites/economie/france/20131025trib000792809/mooc-un-enorme-business-encore-a-inventer.html.
Roberge, Alexandre. "Comment financer les MOOC ?" Thot Cursus. Dernière mise à jour : 13 février 2013. http://cursus.edu/dossiers-articles/articles/19283/comment-financer-les-mooc/.
Vaufrey, Christine. "France : vers un service national de l'enseignement supérieur en ligne." Thot Cursus. Dernière mise à jour : 15 janvier 2013. http://cursus.edu/dossiers-articles/articles/19301/france-vers-service-national-enseignement-superieur/.
Les plateformes :
FUN : http://www.france-universite-numerique.fr/
Iversity : https://iversity.org/
FutureLearn : https://www.futurelearn.com/
MiriadaX : https://www.miriadax.net/
Illustration : ktsdesign, shutterstock
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