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Publié le 18 novembre 2013 Mis à jour le 18 novembre 2013

Formation professionnelle : des milliards qui pourraient rapporter gros

En France, la formation professionnelle est très bien financée mais ne s'adresse pas à ceux qui en ont le plus besoin.

"Hey, vous ! Vous êtes un fraudeur dans l'âme ? Un petit profiteur sans scrupule ? Un arnaqueur ? 
On a un job pour vous, qui peut vous rapporter beaucoup d'argent : devenez formateur !
Profitez de l'énorme cagnotte de la formation professionnelle et réalisez le hold-up le plus facile du siècle".

Voilà ce que l'on pouvait entendre dans les premières minutes d'une émission diffusée sur une chaîne de télévision publique française le 2 octobre 2013, intitulée : Formation professionnelle : le grand détournement". L'émission est toujours visible sur différentes sites de vidéo. Maintenant que vous avez le titre, nous vous laissons la trouver.

Cette émission a été perçue comme une insulte par tous les formateurs et organismes de formation qui font bien leur travail et ne gagne pas toujours, très loin de là, beaucoup d'argent. Bien entendu, l'enquête qui en composait le coeur focalisait sur quelques cas crapuleux, que rien ne pouvait laisser supposer représentatifs de ce secteur d'activité. Mais dans le genre "on nous ment, tous pourris", l'émission valait son pesant d'or.

Cette émisison avait été programmée au moment où ceux que l'on appelle en France les "partenaires sociaux", autrement dit les organisations patronales et syndicales, étaient engagées (elles le sont encore) dans d'âpres négociations à propos du financement de la formation professionnelle. Avec une nouveauté de taille : la réforme de cette activité demandée par le Ministère de l'emploi et qui entrera en vigueur dans le courant de l'année 2014.

 

Des moyens considérables, des résultats affligeants

Car oui, la formation professionnelle a besoin d'être réformée. C'est vrai, l'allocation des fonds de la formation professionnelle n'est ni juste, ni transparente. Mais, depuis la première loi sur la formation profesionnelle qui date de 1971, c'est la sixième fois qu'un ministre parle de tout remettre à plat, la troisième fois dans les dix dernières années. Celui-ci va t-il y parvenir ?

31,5 miliards d'euros. Voilà la somme allouée à la formation professionnelle en France. Etat, régions et entreprises sont les principaux financeurs de cette activité, qui est déployée par plus de 50 000 prestataires. Les entreprises contribuent au financement à hauteur de plus de 40 % (13,7 milliards d'euros), et leurs salariés en sont aussi les principaux bénéficiaires (42,6 % du nombre total de bénéficiaires). 

Ce qui devrait faire des Français les adultes les mieux formés du monde, non ? Eh bien, pas du tout. "La France se place parmi les derniers dans le classement 2013 de l'OCDE sur les compétences des adultes. Sur 24 pays, elle occupe le 22e rang pour la maîtrise linguistique et le 21e rang pour les mathématiques !", souligne Emmanuelle Pérès, déléguée générale de la Fédération de la formation professionnelle dans un excellent article de La Tribune. Et en dépit des sommes dépensées, on ne s'étonnera guère du résultat; car la formation va aux formés : les cadres accèdent 2,5 fois plus souvent à la formation que les ouvriers. Et 20 % seulement des formations sont destinées aux demandeurs d'emploi. 

 

Donner plus à ceux qui ont le plus grand besoin

On conçoit donc aisément que Michel Sapin, Ministre du travail, ait souhaité réformer le système. La priorité étant, en ces temps de crise et de chômage structurel, de diriger l'offre et le financement de la formation professionnelle vers ceux qui en ont le plus besoin, à savoir les demandeurs d'emploi et les travailleurs de faible niveau de qualification en risque de déclassement rapide. 

Pour ce faire, plusieurs mesures seront instaurées en 2014 :

- La création d'un Compte personnel de formation, qui remplacera l'actuel DIF (Droit individuel à la Formation). Sur ce Compte, toute personne entrant sur le marché du travail, qu'elle soit en emploi ou au chômage, pourra capitaliser 120 heures de formation (20 heures par an pour un temps plein). La nouveauté vient du fait que ce compte est individuel et transférable tout au long de la vie. Autrement dit, les compteurs horaires et de financement ne sont pas remis à zéro au moment du changement d'employeur ou d'une période de chômage. De plus, tout salarié bénéficiera d'un conseiller en emploi qui l'informera sur ses possibilités de formation et l'accompagnera dans la mise en place de sa stratégie d'accroissement de ses compétences. 

- La réorientation des crédits alloués à l'apprentissage vers les organismes qui forment des personnes de faible niveau de qualification, au détriment des écoles qui utilisent cette manne financière pour former des travailleurs de haut niveau. Signalon en outre qu'on parle de rendre obligatoire, à partir de 2014, l'intégration des actions de formation réalisées pendant l'année au bilan social des entreprises. "Cette reconnaissance de la formation professionnelle comme capital social et environnemental lui donnera des allures d'investissement d'avenir au service de la compétitivité", lit-on dans La Tribune. 

D'autres mesures sont en cours d'examen :

- L'assainissement des circuits de financement de la formation, et notamment une séparation plus nette entre ce qui sert à financer le fonctionnement des organismes partenaires sociaux et les fonds de formation. Toujours au chapitre financement, il est envisagé de supprimer l'obligation faite aux entreprises de verser 0,9 % de leur masse salariale à un organisme de gestion des fonds de formation, et de remplacer cette taxe par une obligation de former leurs propres salariés, selon des priorités et un calendrier arrêtés tous les 3 ans. Chaque année, le plan de formation pourrait être négocié avec les partenaires sociaux.

- On reparle enfin d'améliorer le contrôle des organismes de formation, et de certifier les plus sérieux d'entre eux, ainsi que de rendre obligatoire la négociation du programme des formations avec les demandeurs (les employeurs ou les services publics de l'emploi). 

 

Voir encore plus loin !

Sur ce dernier point, il serait possible d'aller beaucoup plus loin. L'article de La tribune déjà cité mentionne quelques pistes d'actions, qui recoupent les revendications de longue date des organismes de formation (des plus sérieux d'entre eux, bien entendu) :

- Prendre en compte la diversité des modalités de formation : formation à distance, en présence, hybride, sur poste de travail, social learning, mobile learning, autoformation, formation par les pairs... Voici plus de 20 ans que la formation évolue, alors que les modalités de sa prise en charge financière restent désespérément monolithiques, accrochées au présentiel comme des moules à leur rocher;

- Evaluer le retour sur investissement de la formation grâce à des indicateurs admis de tous, et dans le cadre d'une conception plus globale du développement des compétences. Car "La formation n'est pas une baguette magique qui règle tous les problèmes de compétence en entreprise une fois le stage passé" dit Patrice Guezou, directeur de la formation à la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris. 

On peut faire beaucoup de choses, avec plus de 30 milliards par an. Pourquoi alors la France, qui fut un modèle aux yeux du monde en matière de formation professionnelle, est-elle reléguée désormais au fond de la classe des pays développés ? Qu'est-ce qui ne marche pas ? Il est heureux finalement que les médias s'intéressent désormais au sujet, même s'il faut pour cela supporter des émisisons raccoleuses. Espérons que cela dure suffisamment longtemps pour que les règles du jeu implicites soient remplacées par un dispositif simple et transparent, qui donne beaucoup à ceux qui en ont le plus besoin. Le principe de solidarité nationale dispose ici d'un excellent terrain sur lequel s'appliquer. 

Références :

Portail du Gouvernement. "Sécurisation de l’emploi : des solutions nouvelles en faveur de l'emploi." 19 juin 2013. http://www.gouvernement.fr/gouvernement/securisation-de-l-emploi-des-solutions-nouvelles-en-faveur-de-l-emploi.

Pinaud, Florence. "Comment réformer le mammouth de la formation professionnelle ?" La Tribune. 13 novembre 2013. http://www.latribune.fr/actualites/economie/france/20131113trib000795491/comment-reformer-le-mammouth-de-la-formation-professionnelle-.html.

Diebold, Stéphane. "Pour une formation professionnelle créatrice de valeurs pour l'entreprise" Les Echos. 11 juin 2013. http://business.lesechos.fr/directions-ressources-humaines/formation/pour-une-formation-professionnelle-creatrice-de-valeurs-pour-l-entreprise-7216.php.

Birchem, Nathalie. "Formation professionnelle, quatre priorités pour une réforme." Actualité | La-Croix.com. 24 septembre 2013. http://www.la-croix.com/Actualite/France/Formation-professionnelle-quatre-priorites-pour-une-reforme-2013-09-24-1023694.

Illustration : Lisa F. Young, Shutterstock.com


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