Nous vivons une époque rendue difficile pour l'équilibre personnel. On nous présente une ère d'incertitudes, mais avec le frigo plein. Au moment d'écrire ces lignes, le conflit russo-ukrainien bat son plein sans savoir s'il deviendra mondial. Nous sommes aussi en fin de course d'une pandémie causé par un virus endémique et changeant. Pendant ce temps, la crise climatique s'accélère, laissant bien des gens avec des peurs pour l'avenir de l'humanité.
Une allergie à l'incertitude
Les dernières années ont sollicité notre résistance à l'incertitude. L'humain y est déjà allergique car il préfère réagir à un danger immédiatement. En effet, les études en psychologie ont montré que l'intolérance à l'incertitude est très forte. Par exemple, dans une expérience, les chercheurs vérifiaient le niveau de stress de candidats se trouvant dans une situation où ils pouvaient recevoir de petites décharges électriques. Un groupe était sûr d'en subir à chaque fois alors que l'autre seulement 50% du temps. Pourtant, ces derniers étaient bien plus stressés que les premiers. Dans une autre expérimentation, les participants avaient des chances de gagner de petits montants d'argent sur la base d'épreuves aléatoires. Ils avaient le choix de savoir tout de suite le résultat ou d'attendre quelques secondes. Le connaître immédiatement venant avec une pénalité : les possibilités étaient moins grandes de remporter et le prix s'en verrait plus petit. Pourtant, seulement 37% des personnes ont décidé de patienter à chaque fois.
Une situation comme la covid a été difficile pour plusieurs apprenants. Certains élèves avaient peur de retourner à l'école en présence avec les risques de contracter la maladie (surtout ceux ayant déjà une condition médicale). D'autres, au contraire, étaient terrifiés à l'idée de ne jamais y revenir et de devoir faire toute leur scolarité à distance. Les confinements ont eu des effets sur les étudiants qui ont vu leur poursuite pédagogique devoir se faire de chez soi, beaucoup ont perdu leur emploi temporairement et se sont retrouvés avec des inquiétudes financières. Sans compter des projets personnels ou de stages qui ont été annulés par la pandémie.
Il n'est pas étonnant dans ce contexte où la fin de la crise ne semblait pas arriver, même avec la vaccination, que les niveaux d'anxiété n'aient eu de cesse de monter. Nous sommes exposés à une incertitude constante qui nous a littéralement épuisés. D'où les erreurs cognitives plus fréquentes et une facilité accentuée de tomber dans les théories de complot.
Apprendre à tolérer les imprévus
La question de la tolérance à l'incertitude n'est pas née avec la Sars-Cov-2. Des milieux comme les facultés de médecine s'intéressaient déjà à cette question avant la crise. Après tout, le métier de médecin vient avec parfois des interrogations, certaines choses à éclaircir et des décisions à prendre quant à la communication avec le patient. Les étudiants vivent donc, par des simulations, des situations où ils devront mettre à l'épreuve ce savoir-être.
Bien sûr, tous peuvent se distraire pour tenter d'éloigner ces pensées. Un réflexe qui n'enlève en rien l'inquiétude qui reviendra dès la fin du film, du ménage ou du travail. En fait, est-il même envisageable de se débarrasser de cette angoisse? La plupart des spécialistes suggèrent plutôt d'apprendre à tolérer ce sentiment. Pour eux, l'important est de se concentrer sur le moment présent, avoir des stratégies d'adaptation et d'ajuster son exposition aux nouvelles afin à la fois de s'informer mais dans un temps défini.
Chez l'enfant, il faut lui donner l'occasion de reconnaître son stress et de l'analyser. Par la suite, il sera possible de lui enseigner différentes techniques pour gérer les symptômes physiques comme la relaxation musculaire ou la cohérence cardiaque. La question des qualités cognitives joue grandement dans la préparation aux incertitudes.
Il est conseillé de développer sa culture générale et s'adonner à la contemplation que ce soit en se promenant en forêt ou en méditant. L'acceptation passe aussi souvent par le lâcher-prise et la pleine conscience qui oblige à se concentrer sur le moment présent. Changer les routines permet en outre au cerveau de se préparer à l'inattendu sans qu'il en souffre trop.
D'ailleurs, sur ce point, l'enseignant peut aider les apprenants. Cela peut être en modifiant de temps en temps le contexte d'apprentissage (à l'extérieur, en hybride, etc.). Apporter des questions avec de multiples points de vue, remettre en doute les idées reçues et introduire des problèmes moins «blanc ou noir» forcera les élèves à se questionner sur leurs conceptions du monde. Le travail d'équipe et les tâches collaboratives peuvent être une bonne façon de réfléchir à ce type de questionnements ensemble et échanger sur ses méthodes de gestion de son anxiété, sa vision de l'incertitude.
Photo : geralt sur Pixabay
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