Question de culture et de valeurs, le statut de l’enseignant parait parfois prestigieux, parfois commun. La profession d’enseignant jouit de certains privilèges qui font l’envie (deux mois de vacances, sécurité d’emploi) mais aussi d’obligations (élèves difficiles, administration tatillonne) qui au contraire découragent même les plus motivés.
De nombreuses recherches sur les écoles, les initiatives et les systèmes éducatifs les plus performants identifient presque toujours les mêmes éléments de succès et ces éléments tournent beaucoup plus autour de facteurs d'organisation et de valeurs que de matériel et d'argent. C’est à se demander si parfois quelqu’un lit ces résultats ou s’ils finissent par se rendre entre les mains des directeurs d’écoles ou des décideurs.
Face à des gouvernements qui tentent par tous les moyens de réduire les coûts de l’éducation et dont la stratégie primaire est de dévaloriser l’enseignement pour ensuite réussir à faire accepter des réductions de services à la population, on peut ramener les politiciens au bon sens avec quelques arguments assez évidents : dévaloriser l’éducation revient à dévaloriser son propre futur : des ignorants arrivent à bien peu de choses.
Valoriser les enseignants, seulement du bon
En valorisant les enseignants on en attire de meilleurs, on augmente le succès des élèves et c’est toute la société qui finit par en profiter. Maintenant, comment les valoriser ? L’argent n’est pas un facteur significatif au delà d’un seuil moyen socialement accepté. Ce qui valorise peut prendre plusieurs formes : formation professionnelle, reconnaissance publique, équipements améliorés, support, encouragements, défis, etc. toutes des activités qui certes demandent de l’argent, mais pas des sommes infinies, sommes qui souvent sont déjà présentes mais allouées ailleurs. La clé est à un autre niveau.
Quatre pièces faciles
Engagement de la direction
Des professeurs heureux, ça ne s'achète pas. Un prof heureux d’enseigner le sera vraisemblablement plus souvent s’il a l’appui de sa direction. Le professeur qui connaît l’engagement de la direction à l’égard de l’enseignement sait qu’il peut compter sur des appuis. Ce qui fait son bonheur est partagé. C’est la première pièce. Même si les moyens financiers ne sont pas nécessairement au rendez-vous, d’autres solutions sont possibles, avec l’appui de la direction.
Contrôle et participation
Un professeur compétent, mais qui ne peut contrôler son environnement, deviendra rapidement malheureux, frustré ou cynique. Des professeurs compétents étendent leur contrôle à leur environnement aussi bien physique qu’administratif. D’où la nécessaire influence et participation des professeurs aux décisions concernant l’école. Certains appellent ça «contrôle local», d’autres la «démocratie participative», le fait est que si l’on veut reconnaître la valeur d’un professeur, il faut le laisser contrôler ce qui le concerne, à tous les niveaux.
Collaboration
Un professeur isolé peut-être plus facilement submergé par des élèves difficiles, des technologies compliquées, des demandes administratives mal formulées, etc. Dans une institution où la collaboration est encouragée et facilitée, la vie est plus facile. Par exemple en France, il est exceptionnel que des professeurs partagent des classes alors que cette pratique est beaucoup plus présente dans les autres pays, autant européens qu’américains ou africains. Ça ne coûte pas grand chose et ça enrichit tout le monde. Sans compter tous les moyens de collaboration virtuelle entre les profs.
Reconnaissance et valorisation
Il existe vraiment beaucoup de prix récompensant les professeurs et leurs innovations en éducation. Mais pas besoin de participer aux concours nationaux; être reconnu par ses pairs, ses proches, les parents ou la communauté locale est souvent plus valorisant et plus durable. Un professeur fait quelque chose de bien ? Le reconnaître lors de réunions professionnelles ou publiques, le faire savoir au journal local, l’afficher sur un panneau, etc.
Il existe des dizaines de manières de valoriser les actions positives, par la formation, par du soutien dédié, un équipement souhaité, un avancement, un simple merci sous une forme ou une autre. Tout ce qui donne l'impression de progresser et de s'améliorer, de partager ou d'aider peut rapprocher du bonheur d'enseigner.
Ce que l’on valorise s’étend. Si ce sont les torts que l’on souligne, pas de doutes qu’il y en aura de plus en plus. Alors, il est facile de choisir ce que l’on veut nourrir.
Pas qu'une question d'argent
La valorisation s’obtient par des actions et des engagements qui se traduisent en actions. Ces actions démontrent que l'on accorde de la valeur. Quatre pièces faciles, qui ne coûtent pas nécessairement beaucoup d’argent mais qui orientent l’action, créent une ambiance, facilitent la vie et permettent à chacun d’y participer.
Alors on parle d’un très beau métier, celui d’enseignant.
Illustration : Rawpixel - ShutterStock
Références
OCDE : L'urgence de valoriser les enseignants français
François Jarraud - Café pédagogique
http://www.cafepedagogique.net/LEXPRESSO/Pages/2014/06/25062014Article635392908675861819.aspx
Évaluer pour améliorer et valoriser l’enseignement
Bruno Ronfard - Direction de l'apprentissage et de l'innovation pédagogique (DAIP) - HEC
http://expertise.hec.ca/daip/evaluer-pour-ameliorer-et-valoriser-lenseignement/
Compétent mais déprimé : qu’est-ce qui se passe ?
Denys Lamontagne - Thot Cursus
http://cursus.edu/dossiers-articles/articles/19127
Conseil sur le perfectionnement professionnel des enseignants et des chefs d’établissement .pdf
«La Recherche arrive pourtant à un consensus: La direction de l’établissement représente, par son influence sur la motivation des enseignants et le climat de l’école, un facteur essentiel à l’amélioration des résultats scolaires (Pont et al. 2008).»
http://www.missionfourgous-tice.fr/missionfourgous2/IMG/pdf/Rapport_Mission_Fourgous_2_V2_-_210-218.pdf
Prix récompensant
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