Les jeux des enfants : un plaisir innocent
Parmi les éléments qui assurent la pérennité des peuples, la langue et l’éducation constituent des points très délicats. Qui maintiennent l’essence même de ces populations. La culture, puisqu’il s’agit d’elle, transite par tous ces petits chemins anodins qui font l’âme de tout un pays, de tout un continent. Et les enfants qui, dit-on, sont
le fer de lance de la nation
demeurent de plus en plus claquemurés dans le carcan désertique de leur village.
Sur n’importe quel site réservé aux enfants du Nord, on s’éblouit de la panoplie des rubriques qu’il est difficile de choisir pour son enfant. Les jeux éducatifs en abondance, les mots fléchés ou croisés en abondance, les caricatures en ligne, les concours de dessin, etc. À travers ces sites, l’apprentissage et l’enseignement par les jeux visent plusieurs objectifs. Thot a déjà présenté certains logiciels ludiques, parfois gratuits, que les parents ont peine à regarder et que les enfants repus rechignent à utiliser. Ces jeux visent à enseigner par amusement, à éduquer sans en avoir l’air, à mûrir au clic d’une souris. Les réflexes acquis affinent l’intelligence, développent l’esprit critique et instruisent sans difficulté.
Au-delà, on perçoit un but bien plus grand. Car, un jeu français est partagé sans peine par un Britannique ou un Allemand puisque le mode d’utilisation est traduit. La culture du Nord ainsi se pérennise, se partage, s’exporte, s’impose, s’adapte, s’adopte, s’incruste. Même chez les enfants privilégiés du Sud qui ne jurent plus que par ces jeux comme le montre l’expérience des programmes des Télévisions étrangères.
Mangas
, par exemple, est une de ces émissions que ne ratent jamais les enfants dont les parents sont
branchés ou câblés
au satellite.
Les jeux des enfants ne sont pas des jeux d’enfant
La rengaine revient. Et elle reviendra. Au village burkinabé, dans un canton centrafricain, dans un hameau congolais ou camerounais où les enfants ignorent les puzzles, quand se lève la clarté d’une lune trop ronde, des enfants jouent au même jeu depuis des siècles. Ils se divisent en deux groupes, celui des garçons et celui des filles, et ont dix noix de palme. À tour de rôle, chaque joueur lance en l’air une des noix; avant qu’elle ne tombe, il doit, d’un seul coup de main, ramasser les autres noix restées par terre.
Dans un autre groupe de filles, on s’exerce à réciter, sans erreur, la généalogie du père et celle de la mère, à réciter le nom des animaux avec et sans corne, avec et sans sabot, avec et sans poil, avec et sans ongle. Le développement mnémotechnique tient un grand rôle pour se souvenir, dans la pratique quotidienne, des tribus avec lesquelles on est parent et avec lesquelles le mariage est interdit, des animaux féroces ou comestibles, des plantes vénéneuses ou curatives.
Le lendemain, dans une salle de classe sans banc et sans tableau, on apprend par coeur l’alphabet, les math, l’histoire des Wisigoths, la composition de l’eau et le mécanisme d’un moteur de train électrique qu’on ne verra jamais. Comment partager les jeux si populaires auxquels prennent goût les grandes personnes? Comment transmettre au monde entier cette forme de culture qui est la culture du parent, de l’amitié, de la nature? Sans aller à l’école, on connaît le chant d’un oiseau qui annonce la pluie dans deux jours, le cri d’un hibou qui prédit le décès d’un notable. Une partie du monde francophone, -- en est-ce bien une? -- va s’évanouir. Pour toujours. Parce que seuls les jeux rationnels sur Internet vont se maintenir et se perpétuer. Le site kidlink a eu tort de se fatiguer à vouloir établir des liens avec l’Afrique. Le monde gagnerait pourtant à y venir.
Il serait formidable que les PAJE prenne en compte ces paramètres, ou que les responsables des PAJE en fassent plus de cas. Car il est dommage que les concours organisés exigent l’utilisation d’Internet. Les enfants francophones pourraient apprendre des autres tous les jeux de la culture diversifiée. Car il est des jeux comme des langues : elles comptent, même si elles sont mineures.
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