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Publié le 21 septembre 2022 Mis à jour le 21 septembre 2022

Je n'achète pas, je contribue à une aventure

Le modèle du crowdfunding

Comment créer une activité économique et vivre de ses créations quand les barrières à l'entrée s'accumulent ? Trouver un éditeur, un circuit de diffusion, convaincre des intermédiaires d'associer leurs efforts aux vôtres paraissent autant d'activités insurmontables. Un modèle économique qui se construit sur la relation, les techniques de narration et la participation s'offre maintenant aux concepteurs.

Nous n'avons plus d'envie ni d'énergie pour consommer et les armoires sont pleines

Vous voulez vendre une produit culturel, un livre, un film ou de la musique. Ça va être compliqué : plus personne n'a de place sur ses étagères. La mode est au vide et au rangement. Faut-il dans ce cas vendre des fichiers ou des accès à des plateformes plutôt que des objets ? C'est une solution, mais peu sont ceux qui accèdent à ce mode de diffusion. Les acteurs sont peu nombreux, ils pensent en dizaines de millions d'euros ou de dollars. Difficile pour des débutants de se faire une place.

La difficulté ne s'arrête pas là. Consommer et acheter ne font plus rêver. Bien au contraire, nos appétits s'estompent et la sobriété n'épargne pas les biens culturels. Bibliothèques, espaces d'échanges, consultations en ligne ou prêts sont autant de solutions pour ne plus accumuler les objets, tout en profitant des biens culturels. Si tu achètes, c'est que tu n'as rien compris. Le désir de posséder fait tellement vingtième siècle !

Sans doute les plateformes qui proposent de se faire livrer n'importe quoi en quelques heures ont aussi contribué à tuer le désir. Aussitôt voulu, aussitôt livré, consommé et oublié. Le désir est lié à l'attente, il demande du temps, il doit pouvoir s'installer. Il n'est pas de même nature que l'achat d'impulsion.

Réveiller l'envie

Le financement participatif prend le contrepied des plateformes qui livrent dans le quart d'heure. Ils invitent à s'engager avant que le projet ne soit abouti. Au mieux, vous avez vu des prototypes. Souvent, ce sont les premières pages d'un livre, deux chansons ou encore trois minutes de film. Nous attendons quelques mois pour recevoir notre rétribution. Des extraits, des informations, des présentations de l’œuvre en train de se faire nous maintiennent attentifs.

Mais nous n'avons rien acheté. Nous avons contribué à un projet. Nous ne sommes pas les clients d'un produit fini, mais les promoteurs d'un projet ou d'un concept. Il y a aussi une part de pari dans cette aventure. Si nous ne sommes pas suffisamment nombreux, alors le projet s'éteindra, sans que nous n'ayons rien en retour. Le financement participatif renvoie donc une image très différente de lui-même à l'acheteur. Il permet une aventure, il accompagne un projet, il se lance lui-même dans une action collective de financement.

A la croisée de narrations

Le financement participatif se construit sur un marketing de la narration. Il y a tout d'abord ce suspense sur ma "récompense", qui pourra m’être attribuée, mais dont la nature évolue parfois avec le projet.

Il y a également une incertitude sur le financement. Va-t-on atteindre l'objectif ? Va-t-on le dépasser et débloquer des bonus complémentaires ?

Une troisième histoire, plus lointaine et sans doute indispensable concerne l'histoire des porteurs du projet. 

Ainsi, Mad Magazine a été édité aux États-Unis entre les années 1950 et le début des années 2020. Alors que l'édition s'arrête, quelques auteurs lancent des publications dans l'esprit du magazine des années 70, avec des parodies, des caricatures précises et des dialogues humoristiques.

Les auteurs nous racontent une histoire d'un retour aux sources, l'histoire d'un nouveau modèle économique, et l'histoire d'un projet qui se construit et où les contributeurs peuvent influer les choix de films parodiés.

Quel que soit le projet, il faut raconter l'histoire de sa naissance, l'histoire de son financement et l'histoire de sa mise en œuvre. Il faut raconter, comme on raconterait une fiction, en ménageant des suspenses, en impliquant et en accrochant l'audience !

Quelques étapes d'une démarche de financement collaboratif

Dans un article détaillé, le blog anglophone Peer to peer marketing nous invite à découvrir les recettes d'une opération de financement participatif. Autant d'étapes d'un jeu de l'oie présenté ci-dessous, où chaque case mérite à son tour d'être précisée !

  1. Les auteurs nous invitent à créer une audience. À qui vous adressez-vous ? À quoi ressemblent-ils, quels sont leurs besoins, leurs attentes, leur localisation géographique et leurs habitudes ? Du marketing assez classique. Mais parce que sur Internet nous avons parfois l'illusion de pouvoir nous adresser à tout le monde, nous oublions parfois de préciser notre public.

  2. Il faut ensuite engager des interactions, un dialogue et des échanges. Pas des "j'aime" ou des impressions mais des actions plus engageantes qui témoignent d'un réel intérêt. Il s'agit ainsi de créer une communauté. "Le financement participatif ce n'est pas de la collecte de fonds. C'est faire que quelque chose advienne avec une foule de  personnes qui croient en quelque chose", nous dit Jozefiens Daelemans cité par Peer to peer marketing.

  3. Construire la confiance avec son audience constitue la troisième étape. Il faut de la transparence, de l'authenticité. Les promoteurs de projets qui réussissent apportent de l'humanité et de la sincérité. Pellichi, qui édite des bandes dessinées sur son métier de chercheuse, nous fait part de ses doutes.

  4. Élaborer une histoire, un univers, qui donne un peu de magie et un surplus de valeur ajoutée à ce que la personne achète.

  5. Travailler la page d'accueil sur laquelle "atterriront" les internautes. Cette page vers laquelle convergent les autres médias est celle dont dépend une grande partie de la transformation, entre l'intérêt et l'engagement. Elle doit être vivante, reprendre les codes, les arguments, le ton des autres médias et supports.

  6. Les comptes des réseaux sociaux doivent converger vers une vision commune. Il y a de grandes chances que celui ou celle qui vous suit sur Twitter soit aussi abonné au compte Instagram. Utiliser les spécificités de chacun des réseaux, ne pas donner exactement la même histoire sur chacun favorisera l'adhésion. Une répétition toute en nuance, avec quelques surprises parfois, et toujours le sentiment que l'on accède à des éléments inédits.

  7. Animer la communauté, favoriser la relation et la part d'émotion. Rappelons-nous que les participants partagent avant tout des valeurs, une vision et un projet. Ils portent une action en commun, et ça mérite qu'on les y encourage !

    Le financement participatif, ce n'est pas juste collecter de l'argent, c'est provoquer quelque chose avec des personnes qui croient en quelque chose (Jozefien Daelermans - cité dans peertopeermarketing)


  8. Proposer des surprises, des rétributions inattendues et qui ont du sens. On pourra par exemple imprimer le nom des donateurs sur le quatrième de couverture du livre ou à l'intérieur voire même devenir un personnage de l’œuvre, pour les plus généreux. Cette pratique existait il y a quelques siècles quand les donateurs se retrouvaient parmi les saints ou les anges d'un tableau dans une église. Rien de neuf.  Les dédicaces, les originaux, les produits supplémentaires comptent aussi parmi les rétributions courantes. Si la relation est importante dans l'engagement des contributeurs, une rencontre ou une remise en main propre des récompenses peut avoir un sens.

  9. Maintenir l'attention sur le temps du projet en le faisant entrer dans une "économie de l'attention" Ce dernier point n'est pas indispensable à court terme, puisque les participants qui se sont engagés peuvent recevoir leur récompense après quelques mois, sans rien faire et alors qu'ils ont oublié avoir donné quelque chose !

Ces étapes et ces conseils ne valent pas pour tous les projets. Ils font basculer le champ concurrentiel dans un espace différent des étagères, des achats d'impulsion ou des décisions en trois clics. Elles prennent le contrepied des entreprises qui font de la rapidité de livraison un atout indispensable.

Elles permettent aussi aux participants de découvrir les créateurs, de se familiariser avec ce qui se passe derrière la scène et parfois même de jouer les mentors en encourageant les équipes.


Illustrations : Frédéric Duriez

Ressources

Peer to peer marketing - article : crowdfunding marketing consulté  le 17 septembre 2022
https://peertopeermarketing.co/crowdfunding-marketing/

Kisskissbankbank - Site internet de l'entreprise
https://www.kisskissbankbank.com/

Répertoire du socio financement - Thot Cursus
https://cursus.edu/fr/13605/repertoire-du-socio-financement


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