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Publié le 21 septembre 2022 Mis à jour le 21 septembre 2022

Ubérisation de la formation : jusqu'où ?

La formation ubérisée relève-t-elle encore du service ?

 « L’ubérisation » est un néologisme forgé voici moins de 10 ans, qui désigne la « remise en cause du modèle économique d’une entreprise ou d’un secteur d’activité par l’arrivée d’un nouvel acteur proposant les mêmes services à des prix moindres, effectués par des indépendants plutôt que des salariés, le plus souvent via des plates-formes de réservation sur Internet » (Petit Larousse). Le transport des personnes en voiture avec chauffeur, la location de tourisme, la livraison de repas, les soins de santé connaissent leur ubérisation. La formation, aussi.

L’université à sa porte, diplômes et emplois compris

Les acteurs traditionnels de la formation, universités, écoles, centres spécialisés, doivent depuis une dizaine d’années affronter de nouveaux entrants. Ceux-ci proposent des prestations de formation à la demande, souvent tout en ligne, moins chères que l’équivalent dans un établissement classique, et parfois dispensés par des enseignants réputés.

Les premières plateformes de MOOC ont connu le succès que l’on sait grâce à ce modèle, poussé jusqu’à l’extrême : suivez les cours des meilleures universités du monde, gratuitement ! Cette offre alléchante ne comprenait évidemment pas le diplôme. Or, qu’achète-t-on dans une formation, si ce n’est le diplôme, laissez-passer pour un emploi de qualité, une promotion professionnelle, un réseau offrant des garanties contre les aléas de la vie ?

Les nouveaux opérateurs de formation professionnelle ont vite décelé la valeur du diplôme et proposent désormais des cursus diplômants qui offrent des facilités jusqu’ici inconnues aux inscrits :

  • possibilités d’assembler des cours au gré de ses envies et priorités,
  • possibilité d’interrompre ou d’accélérer son cursus,
  • Possibilité d’accéder à une certification ou un titre professionnel en quelques mois plutôt qu’en deux ou trois ans…

De plus, ces nouveaux opérateurs de formation n’ont pas leur pareil pour déceler les besoins de main d’œuvre et proposer les formations ad hoc, souvent avec un emploi garanti à la clé.

Un cran plus loin : tous formateurs

De la même façon que la célèbre entreprise de service de transport en voiture avec chauffeur a multiplié le nombre de chauffeurs dans de nombreuses villes du monde, une certaine forme de formation ubérisée nous promet d’être tous formateurs.

Nous serions à l’aube de la « formation collaborative et résolutive », entre pairs. Après tout, nous avons tous quelque chose à enseigner. Il suffit que l’offre rencontre la demande, de préférence via une plateforme numérique, pour que se monte la session de formation. Le seul critère de réussite résidant alors dans la satisfaction de l’apprenant.

Certaines grandes entreprises ont relevé le défi de la formation de tous par tous. Ceci, afin de tenter de combler le fossé générationnel entre salariés par exemple, ou de limiter l’évaporation de savoirs rares accompagnant les collaborateurs seniors au moment de la retraite.

Quels résultats ?

Indubitablement, de très nombreuses personnes sont séduites par les facilités d’organisation et de choix, pour un coût réduit, qu’offrent les plateformes de mise en relation entre offres et demandes de formation. Si, lors des confinements successifs imposés par la crise sanitaire, beaucoup ont vécu le distanciel comme une contrainte, ils sont nombreux aujourd’hui à envisager un cours à distance plutôt qu’en présence.

Mais ce qui fonctionne bien pour un parcours de formation limité dans le temps a un coût élevé lorsqu’il s’agit de s’engager pour plusieurs mois. Un coût souvent estimé trop élevé également quand la formation n’apparaît que comme une option parmi d’autres. Pour tous, le temps est compté.

Car oui, se former coûte, et nous ne parlons pas seulement ici de l’aspect financier. Si l’on regarde les conseils dispensés en ligne aux futurs apprenants en ligne , l’on constate qu’on leur demande d’apporter d’importants changements dans leur vie quotidienne et de mobiliser des fonctions cognitives fortes, pendant de longues périodes.

A l’autre bout de la chaîne, du côté des concepteurs de formation, se multiplient les trucs et astuces pour faciliter l’engagement des apprenants (ici par exemple, , ou , parmi de très nombreuses autres propositions). Former n’est pas plus facile que de se former.

La valeur du service

La formation est un secteur économique qui s’est structuré au fil du temps et connaît des révolutions bienvenues. Mais, dans ce secteur comme dans la plupart de ceux qui sont touchés par le phénomène d’ubérisation, les individus paient le prix fort. Du côté des « sachants », d’abord : les salariés trouveront difficilement le temps de créer des formations pour leurs pairs ; les formateurs d’hier doivent aujourd’hui s’improviser concepteurs et médiatiseurs de leurs formations.

Du côté des « apprenants », ensuite : sélectionner ses contenus en évitant les pièges du marketing, assembler les modules, s’organiser seul.e chez soi plutôt qu’au milieu d’une communauté porteuse, assumer tout aussi seul.e la responsabilité de l’éventuel échec…

Ne l’oublions pas : la formation est, encore pour l’essentiel, un service. Rendre service, c’est décharger quelqu’un d’une tâche difficile ou inopportune. C’est alléger le poids d’une journée trop chargée, mobiliser une compétence pour résoudre un problème. Alors oui, nous sommes probablement « tous formateurs », dans l’absolu. Nous sommes certainement capables de nous organiser pour apprendre seul.e.s. Mais nous pouvons aussi ne pas nous priver du plaisir de rendre service, et de profiter du service rendu.  

Illustration:  DepositPhotos - kentoh


Références

"L'ubérisation et la numérisation du monde entraînent la disparition du monde salarié". Eugénie Boilait, Le Figaro, 15/07/2022. 
https://www.lefigaro.fr/vox/economie/l-uberisation-et-la-numerisation-du-monde-entrainent-la-disparition-du-monde-salarie-20220715
 

"Comment ubériser la formation ?" Par Stéphane Diebold. Focus RH, 06/01/2020. 
https://www.focusrh.com/tribunes/comment-uberiser-la-formation-par-stephane-diebold-32574.html
 

"Ubérisation et tendances de la formation professionnelle, par Denis Jacquet". Akto, 21/12/2020. 
https://www.akto.fr/uberisation-tendances-formation-professionnelle-denis-jacquet/
 

"L'ubérisation mondiale de l'enseignement supérieur est-elle éthique ? " Simone de Colle, The Conversation, 26/01/2022. 
https://theconversation.com/luberisation-mondiale-de-lenseignement-superieur-est-elle-ethique-174310
 

"Comment Safran a atteint 136 000 heures de formation digitale en seulement 1 an". Sophie Torre, 360 Learning.
https://360learning.com/fr/blog/entreprise-apprenante-safran-formation-digitale/


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