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Publié le 18 mai 2011 Mis à jour le 18 mai 2011

Finalement, à quoi ça sert, un prof de langues ?

La querelle autour de la façon dont on apprend le mieux est loin d'être épuisée : en langues elle se poursuit avec l'accent nouveau porté sur les apprentissages informels.

Ça va rentrer tout seul

Pour un enseignant, il est toujours troublant de lire le témoignage d'un non spécialiste qui donne des conseils de bon sens sur l'apprentissage des langues et qui semble apporter des ressources utiles, sans le secours de tout un appareil conceptuel et didactique que l'on dit nécessaire à l'exercice du métier. Thierry Roget sur son site 01langue.org  s'adresse aux « nuls en langues » et a trouvé sa solution dans la « magie » d'internet :
« Ne vous inquiétez pas des erreurs, n’étudiez pas la grammaire, parlez et chattez avec des natifs, regardez des films, écoutez la radio, lisez et ça va rentrer tout seul. Seulement après vous ferez un peu de grammaire. "
Et il ajoute qu'il dédie son blog à son prof d'anglais  « qui a su lui donner la passion des langues ».
Un prof, d'abord, cela sert à motiver et à inspirer.  Première question : si on n'est pas né charismatique, peut-on le devenir ? Est-ce que bien communiquer ses passions est un art qui s'apprend ?  Si cela s'apprend, quand la formation initiale des enseignants prendra-t-elle en compte des compétences comme le sens de l'écoute ou de l'empathie, l'éloquence, l'intelligence émotionnelle, toutes liées à la faculté de partager ses intérêts ? L'enthousiasme, la passion et l'énergie ne sont pas que des valeurs de « publicitaires » et outre-Atlantique, la communauté des enseignants en fait des objets de discussion.
The innovative Educator

Cela entre, et ça laisse des traces ?

Le problème avec internet c'est que cela entre, même beaucoup, pour ressortir aussitôt ! Dans cette vision idyllique des activités sur internet qui agiraient par imprégnation, on passe sous silence le fait que nous nous trompons beaucoup sur nos capacités d'apprentissage.
Xavier Delaporte a traduit un article du New York Times qui fait état de nombreuses recherches de psychologues sur la différence entre ce que nous ressentons comme positif dans un apprentissage et l'apprentissage réel. Des concepts qui semblent parfaitement maîtrisés, d'un abord facile se révèlent confus après un test et d'autres, plus résistants à la compréhension sont intégrés sans problème. L'intuition n'est pas toujours bonne conseillère en ce domaine, nous ferions « trop confiance à nos capacités d'apprentissage ». Des facteurs extérieurs comme la « fluidité » seraient particulièrement trompeurs. Xavier Delaporte résume le problème ainsi dans son article d'avril 2011 sur internetActu : « La difficulté durcit le muscle cérébral, alors que la facilité ne durcit que la confiance ».
Alors, un prof, ça sert à freiner les intuitions, à modérer les impulsions ? Deuxième question : comment concilier ces deux missions souvent antagonistes que sont l'éveil de l'intérêt, la capture de l'attention chez les étudiants et l'enseignement de stratégies plus rationnelles et moins immédiates ?

Le prof attrape-joie ou rabat-joie ?

Dominique Bourrion dans un commentaire à propos des portables et des prises de note en amphi sur Owni écrit : « Pas vraiment la peine de mémoriser, d'« engrammer », dès l'instant où tu sais que c'est devenu inutile puisque ce que tu as besoin de te souvenir, c'est enregistré quelque part en dehors de toi. Il faut juste savoir où, ou bien savoir comment le retrouver, et évidemment, y avoir accès techniquement ».

Pour beaucoup de gens maintenant, la plupart des informations concernant le monde autour de nous n'ont plus besoin d'être intériorisées, et les propos très médiatisés de Michel Serres sont assez partagés : "Transmettre le savoir ? Le voilà, partout sur la Toile, disponible, objectivé. Le transmettre à tous ? Désormais, tout le savoir est accessible à tous. Comment le transmettre ? Voilà, c’est fait. Avec l’accès aux personnes, par le téléphone cellulaire, avec l’accès en tous lieux, par le GPS, l’accès au savoir est désormais ouvert. D’une certaine manière, il est toujours et partout déjà transmis."

L'observation attentive d'une personne qui parle une langue, la reproduction progressive de son comportement dispenserait de procéder à une suite d’essais-erreurs systématique, à une analyse rationnelle des règles de fonctionnement de la langue, à la mémorisation délibérée du lexique.

Cette perspective est-elle  vraiment soutenable en langues ? La langue est le type même de connaissance qui doit être incorporé, qui demande un apprentissage qu'André Tricot, Professeur de psychologie cognitive, appelle secondaire. On ira écouter la partie de la diapo 7 (« qu'est-ce qu'apprendre ? » ) à la diapo 11 (« et on se méfie depuis longtemps ») de cette conférence de 2010 : "Quels sont les apports et les limites des TICE ?"

Alors un prof, ça sert aussi à donner des tas de repères extérieurs : très exactement où sont placés les bons outils, les ressources pertinentes pour exercer sa mémoire qui ne peut en aucun cas être hors de soi. Ce rôle de guide pour des stratégies d'autoformation ne varie pas fondamentalement avec l'évolution du web mais il est plus difficile car ces repères sont souvent éphémères : pas simple en effet  de garder le sens de l'aiguillage lorsque même les rails bougent, quand le réseau change sans cesse de configuration.

Quand les bonnes adresses et les bons outils sont "sociaux"

Quand tout bouge, l'enseignant ne peut rester immobile sous peine de s'exclure. De ces trois fonctions du professeur que l'on pourrait résumer ainsi - influence, appel à le réflexivité (cadrage), et guidance, la dernière trouve dans les réseaux sociaux de très belles occasions de s'exprimer. Inviter les étudiants à échanger et à apprendre sur des sites comme LingomatchBabbel , busuu.com, ou Livemocha se révèle une autre façon de les aider, en apportant son regard sur les parcours, les travaux effectués. Très peu d'expériences semblent avoir été tentées dans ce sens qui semble pourtant prometteur. Des scénarios adaptés pourraient être développés afin d'apporter une plus grande efficacité aux apprentissages mutuels, de façon moins générique que les conseils méthodologiques du réseau Tandem par exemple.

Illustration : A man of many language symbolsMikul or Mike if you likeCC BY 2.0

 

Source : Portail 01langues.com

 



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