En récompensant les plus méritants, un système social basé sur ce principe attire les talents les plus ambitieux. On y apprend comment parvenir au succès. Graduellement se crée un système auto-entretenu de connaissances, de savoirs-faire et d’institutions, toujours plus efficace et élitiste avec des points de comparaison et de progression bien établis.
La définition de ce que l’on entend par «mérite» est l’élément crucial. En valorisant les valeurs qui supportent le système dans son ensemble, on établit les bases de sa pérennité. Si on favorise plutôt le profit, la gloire ou le pouvoir individuel, on attire un autre genre de candidats et le système se dévoie au gré des enjeux. Étrangement, plus le mérite se comptabilise, plus les dérapages se produisent, d’où le questionnement à propos d’un système d’éducation qui s’appuie trop fortement sur les évaluations quantitatives par rapport à un autre qui s’attarde plutôt aux réalisations où aux qualités des individus dans leur ensemble.
En éducation on parle de course aux notes et aux diplômes, aux bourses, aux crédits de recherche, aux publications, aux découvertes, au prestige, aux emplois bien payés. Qui n'y serait pas sensible ? Un système éducatif conçu dans ce mode de pensée prétend que, pour réussir, il faut se surpasser... et ça fonctionne ! Mais pas pour ceux qui n’ont pas les conditions ou les capacités nécessaires dans ce contexte compétitif. Que fait-on avec eux ? Gare aussi à la désillusion du lauréat si son «mérite» est illusoire en dehors de son institution. Gare enfin aux excès si l’objectif n’est plus que de gagner ou d’être le meilleur. Toute la vie n'est pas une compétition.
On peut stimuler l'implication par bien d’autres sources de motivation moins compétitives, comme le plaisir de comprendre, la satisfaction de contribuer au succès d’un projet ou du groupe, par la fierté d'atteindre ses propres objectifs et se réaliser dans toutes ses facettes. Même l'intelligence artificielle s'en mêle, avec ses biais plus ou moins évidents. On peut bien se surpasser pour gagner le prix, être le meilleur, être reconnu, mais on peut aussi consacrer toute sa vie au soin des autres, à une oeuvre édifiante ou à nourrir la planète. Si on fait bien notre travail, il y aura au moins une personne qui reconnaîtra notre mérite: soi-même. Personne d’autre ne peut nous donner autant confiance en nous-même. À la fin, c’est le seul mérite qui compte.
Denys Lamontagne - [email protected]