Alors qu'il doit animer une dynamique de groupe, assurer une progression pédagogique, accompagner des rythmes et des profils d'apprentissage variés, l'enseignant est soumis à de nombreuses interruptions.
Comment gérer l'interruption ? Comment retrouver la concentration ? Et que faire quand les recettes et les astuces paraissent dérisoires tant ce qui n'était pas prévu bouleverse le groupe ?
Un enseignant doit lutter contre toutes les interruptions plus ou moins graves qui viennent bousculer son scénario pédagogique. Un élève oublie son matériel, un autre se blesse en se balançant sur une chaise, un troisième est en retard, visiblement perturbé par un événement privé. Des marteaux piqueurs attaquent le trottoir, un accident de la circulation bloque la rue, des sirènes annoncent une catastrophe plus éloignée. Des élèves se disputent, le proviseur vient prévenir qu'il trouvera et punira sévèrement les auteurs d'un graffiti, tandis que celui-ci, un peu rêveur, a mordu dans sa cartouche d'encre !
Comment réagir ? Dans un article qui fait encore référence, Philippe Perrenoud nous montre que les instituteurs et professeurs sont amenés à prendre une multitude de micro-décisions, à chaque moment, pour réguler ces interruptions. Certaines sont des techniques éprouvées, d'autres passent à peine par le cortex, et sont quasi-automatiques. D'autres enfin nécessitent de bricoler une solution nouvelle en adaptant les anciennes, ou en innovant !

Des recettes
Perrenoud nous montre ainsi que l'enseignant peut s'appuyer sur des recettes, des méthodes. Cela fonctionne assez souvent, et il peut être utile d'avoir une série de techniques prêtes à l'emploi pour retrouver l'attention. De nombreuses suggestions sont en ligne sur Internet.
Ainsi, le blog "apprendre à éduquer" propose de mettre à disposition un petit livret que l'élève peut ranger dans une trousse. Il y trouvera des idées pour retrouver sa concentration. L'enseignant peut choisir les activités, les présenter et les organiser. Mais chaque élève peut aussi choisir la solution qui lui convient le mieux et gagner en autonomie en se régulant lui-même. Pour aller plus loin, on peut concevoir le livret avec les élèves.

Les enseignants partagent de nombreuses techniques toutes très utiles pour rétablir la concentration après une interruption. Citons la classe de Luccia qui propose des exercices sur des fiches. D'autres encore s'inspirent des exercices du yoga.
Mais parfois, la recette n'existe pas. L'interruption est inhabituelle. L'enseignant est alors obligé de bricoler une solution, de prendre une décision. La première décision est de relever ou non l'interruption. S'arrête-t-on pour l'élève en retard qui arrive en pleurs ou attend-il la fin du cours ? Très souvent, les solutions sont élaborées au cas par cas, parce qu'elles intègrent une très grande quantité de paramètres.
Philippe Perrenoud encourage les échanges entre pairs et l'analyse de la pratique avec un regard issu de différentes disciplines des sciences humaines.
Dans un article paru dans les "cahiers pédagogiques" et plus directement consacré aux interruptions, Alain Jean nous donne quelques exemples, des pistes d'analyse et de solutions.
Quand les recettes et le bricolage ne suffisent plus
Il arrive que l'imprévu ne puisse pas se régler avec des méthodes qui aident à retrouver la concentration. L'exclusion brutale d'un élève, l'interruption non planifiée de l'activité d'un enseignant, un événement brutal dans l'environnement de l'école, l'intervention des forces de l'ordre dans l'établissement.... L'article de Laurent Karsenty et Adrien Quillaud consacré à la gestion de l'imprévu dans les organisations insiste sur l'importance de donner du sens à l'événement.
Ce n'est pas tant la précision, le détail ou l'exactitude qui importe, mais le sens qui sera partagé et construit collectivement, et qui permettra de poursuivre l'activité.

L'article propose une liste des éléments qui empêchent l'émergence d'un sens partagé par le groupe. Cette liste, très partiellement illustrée ci-dessous, montre l'importance du collectif, de la gestion du stress et de la détection de l'événement imprévu qui vient bouleverser l'organisation.
Illustrations : Frédéric Duriez
Ressources :
Philippe Perrenoud "La pratique pédagogique, entre l'improvisation réglée et le bricolage" Université de Genève - publié en 1983 - consulté le 21 janvier 2018
https://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1983/1983_01.html
Alain Jean : "Face à l'imprévu, formation, improvisation ou bricolage ?" - Les cahiers pédagogiques - publié en février 2011, consulté le 21 janvier 2018
http://www.cahiers-pedagogiques.com/Face-a-l-imprevu-formation-improvisation-ou-bricolage
P. Karsenty et A. Quillaud "Gestion de l'imprévu et construction collective du sens de la situation" publié en 2011, consulté le 21 janvier 2018
http://www.dedale.net/dedale_en/wp-content/uploads/2015/02/SELF_2011_Imprevu_et_sensemaking_v2.11.pdf
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