Publié le 02 décembre 2019 Mis à jour le 02 décembre 2019
La cause était pourtant entendue. La compétition dans un cadre de formation était condamnée. Elle amène à confondre la finalité et la situation d'apprentissage, elle appuie la motivation sur des facteurs externes de rangs et de classements, elle entraîne parfois une dévalorisation de l'image de soi et provoque des comportements déloyaux. À l'extrême, les efforts viseront à faire échouer l'autre plutôt qu'à réussir. Au delà de l'efficacité, la compétition nuit donc gravement aux ambiances de groupes.
Il suffit de saisir "pédagogie" et "compétition" sur un moteur de recherche. Les propositions qui ressortent sont des manifestes de centres de formation, d'écoles, de formations universitaires qui affirment privilégier une pédagogie de collaboration à une pédagogie de compétition.
Alors que l'on célèbre les 500 ans de la naissance de Léonard de Vinci, on ne peut ignorer l'atmosphère très compétitive qui existait entre artistes ou architectes à la Renaissance. L'histoire de l'art, de la philosophie et des sciences est souvent présentée comme une histoire de luttes. Pasteur aurait-il été Pasteur sans Koch ? Einstein aurait-il eu la même énergie sans Poincaré ou Hilbert ? Pas certain. Les grands esprits émergent dans des environnements où compétition, émulation, inspiration et collaboration se mêlent sans que personne ne puisse produire la recette.
Dans un autre domaine, et malgré les affirmations contraires, les entreprises qui poussent leurs équipes vers davantage de collaboration construisent leurs mythes fondateurs autour de personnalités d'exception. La stimule parfois, mais elle peut aussi anéantir la motivation... Comment l'appréhender dans un projet de formation ?
Des centres de formation, des universités et des écoles organisent en effet une partie de leur pédagogie autour de la compétition. Il s'agit bien entendu de compétitions en équipes, autour de projets pluridisciplinaires, qui emmènent les étudiants sur des périodes assez longues. La course automobile, la programmation ou la conception de robots et l'environnement comptent parmi les thèmes les plus porteurs.
Créée en 1981 par l'institution of Mechanical Ingeneers, la Formula Student propose une compétition complète où les compétences techniques, de gestion de projet et commerciales sont sollicitées et évaluées. Les équipes d'étudiants doivent présenter leur projet et son modèle économique. Une épreuve est d'ailleurs consacrée à ce seul aspect de présentation.
Mais d'autres étudiants concourent sur un deuxième niveau. Outre la présentation du concept, ils font rouler un prototype fonctionnel, et passent des épreuves qui visent à démontrer la supériorité de leur proposition technique. Les réalisations font l'objet de vidéos et de pages sur Internet. Elles attestent de compétences développées en conception par ordinateur, en design, en techniques des matériaux, en mécanique bien entendu, mais aussi en communication et en prototypage. Et comme les équipes comptent de nombreux participants, ces compétitions apprennent à développer la coopération et l'entraide !
Les critères pour se classer au Formula student sont les suivants :
| Critères statiques |
|
| Coût du projet |
100 |
| Modèle économique |
75 |
| Design |
150 |
| Critères sur piste |
|
| Accélération |
100 |
| Dérapage testée sur un circuit en 8 |
75 |
| Auto-cross (succession de droites et de courbes) |
125 |
| Efficience (à travers la consommation d'énergie) |
100 |
| Endurance sur 22 kilomètres |
275 |
Parmi les nombreux établissements participants, l'ESTACA, école d'ingénieurs de la région parisienne, présente un site internet dédié à la compétition qui illustre bien le travail en équipe, l'organisation nécessaire, la pluridisciplinarité et le support de l'école.
Les performances des véhicules sont mises en avant sur plusieurs dimensions. Il n'y a donc pas une équipe gagnante et plus de 500 vaincues. De nombreuses occasions de mettre en valeur les uns et les autres, ainsi que des compétitions locales encouragent les participants. Ainsi l'ESTACA a obtenu le prix de la première participation il y a quelques années.
Par ailleurs, arriver jusqu'à la compétition relève déjà du défi, et s'appuie sur de nombreuses victoires vécues collectivement. La victoire fait jouer de nombreux paramètres parmi lesquels les équipements du centre de formation, l'investissement des professeurs et des sponsors, le budget jouent un rôle essentiel. Les établissements sont eux-mêmes investis sur de nombreuses actions de ce type. Personne ne joue sa carrière sur ce projet et le simple fait d'y avoir participé est un élément fort sur un curriculum vitae.
Course en cours est davantage orienté vers les collégiens et lycéens. Les véhicules ne sont pas conduits par des pilotes, ils sont propulsés par un moteur électrique fourni par les organisateurs. Les critères diffèrent peu du concours précédent : la technique, le design et la capacité à mener un projet ainsi que l'expression orale font partie des critères principaux. Le règlement, mis à jour chaque année, propose 3 "parcours", qui privilégient chacun certains critères parmi les vingt que la grille de notation comporte.
Course en cours propose ainsi une activité pédagogique stimulante, qui regroupe plusieurs disciplines et vise en particulier à sensibiliser les jeunes aux filières scientifiques et au monde de l'entreprise. Les enseignants sont eux-aussi accompagnés avec un partage de ressources en ligne, spécialement conçues et sélectionnées pour cette action.
Les groupes de six élèves participants sont sélectionnés sur leur motivation et leur investissement, parce que les élèves y passeront quelques soirées et une partie de leurs vacances. Ils comptent quelques élèves remplis d'énergie mais qui sont prêts de décrocher parce qu'ils se sentent moins à l'aise dans des cours plus classiques.
Les nombreux témoignages relayés par le site de Course en cours montrent que la motivation et l'engagement ne s'appuient pas que sur une volonté de gagner. Les participants ont découvert des entreprises, des logiques de projet, des techniques d'ingénieurs. Ils ont préparé des présentations et des argumentaires dans un contexte réel. Et bien entendu, il y a ce moment intense que constitue la course et qui ne dure que quelques secondes !
S'il est un domaine où personne ne doute que la compétition pousse les individus à améliorer leurs performances, c'est bien le sport ! Et justement, c'est ce que proposent les organisateurs de la Robocup depuis 1997. De nombreuses épreuves permettent de mesurer les participants, de la conception des robots à usage domestique, à la robotique industrielle ou aux robots sauveteurs. Mais l'épreuve la plus spectaculaire est sans doute celle qui départage les robots joueurs de football.
Il s'agit pour ces robots, qu'ils soient humanoïdes comme Nao de Softbank Robotics ou sur roues, de se mouvoir sur un véritable terrain, en interaction avec d'autres joueurs, et un ballon en déplacement. 450 équipes et 3500 participants se retrouvent pour tenter d'obtenir la victoire dans leur catégorie, mais aussi pour partager et apprendre.
Beaucoup des technologies déployées sont d'ailleurs en open source. Les organisateurs insistent sur les échanges qui se poursuivent entre participants tout au long de l'événement. La formation se construit tout au long du projet, mais aussi pendant les épreuves, entre étudiants d'établissements qui ont déjà l'habitude de travailler ensemble.
Les épreuves obligent à articuler des disciplines différentes et à s'inscrire dans une démarche transversale de projet.
Le danger d'une approche concurrentielle, c'est de perdre de vue le véritable enjeu qui est d'apprendre et de diminuer la confiance en soi et le sentiment d'efficacité des moins bien classés. Les concours présentés dans cet article évitent ces écueils. La participation aux épreuves est déjà une victoire; les concurrents échangent beaucoup entre eux et apprennent les uns des autres.
L'enjeu est ailleurs, et notamment de faire avancer les technologies. Les organisateurs de tournois entre robots rêvent ainsi déjà de matchs de football humains-machines, comme il y a eu des parties d'échec entre humains et ordinateurs...
Ressources
Les olympiades des sciences de l'ingénieur - site consulté le 30 novembre 2019
https://www.upsti.fr/nos-evenements/olympiades-de-si/palmares-osi-2019
Estaca Formula Team - Site de l'équipe de l'école d'ingénieurs Estaca pour la compétitition Formula Students - consulté le 30 novembre 2019
https://www.estacaformulateam.fr/
Course en cours - site de la compétition réservée aux collégiens et lycéens - consulté le 30 novembre 2019
https://www.course-en-cours.com/fr/
Robocup - site de la compétition de robots -consulté le 30 novembre 2019
https://www.robocup.fr/
Académie de Poitiers - concours robotique des élèves de Charente-Maritime
http://ww2.ac-poitiers.fr/techno/spip.php?article149
Coupe de France de robotique - site officiel consulté le 30 novembre 2019
https://www.coupederobotique.fr/lacoupe/
Journal de Chambly - La robotique au service de la pédagogie - 16 mars 2019 - consulté le 29 novembre 2019
https://www.journaldechambly.com/la-robotique-au-service-de-la-pedagogie/
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