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Publié le 31 mai 2022 Mis à jour le 01 juin 2022

Quand le grand âge arrive [Thèse]

« Fragilité », confiance et maintien à domicile des personnes âgées

C’est dit ! L’Organisation mondiale de la santé (OMS) nous informe que nous sommes vieux à partir de 60 ans ! Pour la thèse, c’est 65 ans, soit l’âge légal belge à date de la cessation d’activité. Au niveau mondial, la vieillesse recouvre des situations bien différentes.

Même au niveau d’un pays, la situation des personnes avançant en âge peut varier fortement. La démarche des gens qu’on peut croiser dans la rue, leur teint, nous donnent déjà pas mal d’informations sur la grande diversité des situations.

L’écrivain français Édouard Louis raconte dans ses livres les corps cassés de son père et des ouvriers : on sait que les conditions de vie et les facteurs environnementaux modifient de manière importante la structure et les fonctions de l’organisme.

Systèmes robustes, systèmes fragiles

Avec des facteurs génétiques similaires, deux personnes n’auront pas la même vitalité en fonction de la manière dont ils auront vécu, travaillé, mangé, aimé.

L’auteur de la thèse, Patrick Maggi, rapporte, pour ces questions de vitalité en lien avec l’âge, les concepts de fragilité et de robustesse.

L’OMS définit la fragilité comme :

« Une régression progressive des systèmes physiologiques liés à l’âge, qui entraîne une diminution des réserves de capacités intrinsèques, ce qui confère une extrême vulnérabilité aux facteurs de stress et augmente le risque d’une série d’effets négatifs sur la santé. »

Ainsi, quand plus de deux déficits sont constatés, la personne est en état de fragilité : amaigrissement, faiblesse, fatigue, lenteur de marche et faible niveau d’activité physique (sédentarité). L’âge pré-fragile (!) commence à 50 ans. S’il n’y a pas de déficit ou si un seul déficit est relevé, la personne est en état robuste.

Comprendre les pratiques et les concepts pour prendre les décisions justes

Qu’on se rassure, et j’en témoigne, c’est réversible. Mais ce n’est pas réversible en continu et il faut bien se résoudre, pour soi et ses proches, aux effets de l’âge.

Nous avons peut-être déjà été confrontés à des décisions à prendre et les discours des sachants ont parfois des mots-pièges, de ces mots du langage courant qui veulent, dans un contexte médical, dire autre chose. Fragilité. Robustesse. Démence. Capacité.

Qui pourrait s’imaginer qu’il existe des critères de fragilité et que le nombre de cases cochées détermine la sortie du centre de revalidation (opération qui suit l’hospitalisation en Belgique, aussi appelé soins de suite en France).

La recherche inclut une analyse des pratiques médicales liées à la vieillesse, notamment la tendance à la surmédication, dans un état des lieux qu’elle fait de la situation de vieillissement et des préjugés liés.

La surmédication des personnes âgées

Les personnes âgées reçoivent bien souvent des prescriptions importantes, qui provoquent ensuite des effets en cascade, notamment dans les pathologies de démence et la dépression :

« Le premier médicament est à l’origine d’un effet secondaire, qui, interprété comme une nouvelle pathologie, induit la prescription d’un nouveau traitement provoquant à son tour un autre effet secondaire. »

La surmédication est « d’autant plus interpellante que les personnes âgées sont plus sensibles aux effets secondaires». Il y a une résultante de chutes accidentelles, d’épisodes de confusion, responsables d’un quart des hospitalisations.

Cette thèse offre de quoi discuter en confiance et raisonnablement de certaines prescriptions qui peuvent être excessives. Ça peut être le cas pour les diagnostics de démence : une confusion mentale peut être naturelle mais aussi un effet secondaire d’un médicament.

« Si la prescription médicamenteuse est la règle quasi absolue, en Wallonie comme en Belgique et partout dans le monde, il convient de rappeler qu’il n’existe pas de traitement curatif des pathologies démentielles. Si certains traitements médicamenteux sont nécessaires car ils agissent de manière adéquate sur la symptomatologie associée à la maladie, le rapport 111B du Centre fédéral d’expertise des soins de santé a conclu à une efficience limitée des médicaments actuellement disponibles, le remboursement de certains d’entre eux étant même remis en question. L’efficience des approches pharmacologiques reste donc encore de nos jours sujette à caution. »

Nourrir sa capacité de gouvernement

En outre, si un diagnostic a pour conséquence un maintien de la personne à l’hôpital, en revalidation ou son départ en institution, c’est loin d’être anodin, quand on connaît la vitesse avec laquelle le grand âge peut rompre un équilibre.

Il s’agit donc de la question de l’autonomie et de l’indépendance. Être autonome, c’est se gouverner soi-même ou suivant sa propre loi. Être indépendant c’est être en capacité de réaliser les tâches de la vie quotidienne sans aide : se laver, s’habiller, manger, cuisiner, nettoyer ; et d’être en capacité de se déplacer.

Avant la mise en place des caisses de retraite, les anciens dépendaient financièrement des enfants qui les avaient élevés. Il y avait cohabitation sur plusieurs générations.

Depuis, dans certains pays, les familles peuvent être accompagnées soit dans le maintien à domicile d’une personne qui devient dépendante, soit dans son « institutionnalisation » : sa prise en charge dans une institution qui le loge, le nourrit et s’occupe de ses activités et ses soins.

Une majorité de personnes ne souhaite pas entrer en institution, qui a par ailleurs un coût très important tant pour les personnes que pour les États.

Deux soutiens pour le maintien à domicile

La recherche détaille deux modalités soutenant le maintien des personnes âgées dépendantes dans leur domicile. Le premier est l’ergothérapie, le second relève des gérontotechnologies, des NTIC adaptées à la gériatrie.

L’ergothérapie

L’ergothérapeute est « le paramédical qui accompagne les personnes présentant un dysfonctionnement physique, psychique et/ou social en vue de permettre d’acquérir, de recouvrer et/ou de conserver un fonctionnement optimal dans leur vie personnelle, dans leurs occupations professionnelles ou la sphère de leurs loisirs par l’utilisation d’activités concrètes s’y rapportant et tenant compte de leurs potentialités et des contraintes de leur environnement. »

Il considère la personne humaine comme un être global et prend en compte ses rythmes, ses activités et l’équilibre entre ces éléments. La thèse aborde son intervention par la seule adaptation de l’environnement, tout en la mettant bien dans sa perspective de soutien des performances occupationnelles et de l’équilibre de vie de la personne.

On fait appel à la discipline pour son diagnostic global et ses améliorations concrètes comme les améliorations de sécurité (systèmes antidérapants, barres d’appui), ses technologies d’assistance (de l’ouvre-bocal au lit médicalisé) et des modifications plus importantes en matière d’aménagement architectural.

L’actimétrie

Du point de vue des gérontotechnologies, l’auteur a rendu compte de la mesure de l’activité par la méthode de l’actigraphie, aussi appelée actimétrie. Cette méthode consiste dans la mise en place d’un instrument qui détecte l’activité.

Le plus simple de ces dispositifs et le plus facile à incorporer à son quotidien est un bracelet. Avec une apparence plus rudimentaire, c’est un peu comme la montre bien connue qui vous alerte si vous n’avez pas fait votre « quota » d’exercice.

L’actimétrie enregistre les mouvements du corps et permet une analyse de l’activité. Celle-ci peut être diurne, ou nocturne pour analyser la quantité de sommeil et ses phases. Elle mesure aussi l’intensité de l’effort.

On apprend ainsi qu’une promenade avec un chien est plus intense qu’une promenade sans chien et que celle-ci équivaut à une activité de ménage.

Ces deux méthodes sont considérées comme des outils pertinents de prévention, pour éviter ou retarder le départ en institution, ou en tout cas, que celui-ci soit moins une solution d’urgence, mal vécue comme souvent les changements brutaux.

« La recherche a consolidé l’intérêt pour le système de santé de se tourner vers des stratégies et des services de prévention. »

Cabinet de curiosités gérontotechnologiques

En supplément, pour étancher la soif de curiosité, une liste de fonctions gérontotechnologiques et de leurs outils :

  • L’aide au handicap : déambulateur intelligent, capteur d’incontinence urinaire, pilulier électronique.
  • La sécurisation de l’environnement : domotique, alarmes volontaires ou automatiques, actimètre, capteurs de mouvement.
  • La surveillance des déplacements : systèmes anti-fugues, géolocalisation.
  • La revalidation physique et cognitive : console de jeux.
  • Le diagnostic et surveillance médicale à distance : télémédecine, télémonitorage de l’activité.

Illustration : sabinevanerp de Pixabay.

À lire :

Patrick Maggi, L’ergothérapie à domicile et l’actimétrie. Deux modalités de prévention à l’institutionnalisation des personnes âgées de 65 ans et plus. Sciences de la santé publique, Liège, 2021.

Thèse consultable sur : https://orbi.uliege.be/handle/2268/255187

Références :

Dominique Argoud, Les gérontotechnologies sont-elles une innovation sociale ?
https://www.cairn.info/revue-retraite-et-societe-2016-3-page-31.htm


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