Puisque la beauté est rencontre, toujours inattendue, toujours inespérée, seul le regard attentif peut lui conférer étonnement, émerveillement, émotion, jamais identiques.
François Cheng L'éternité n'est pas de trop
Les différentes formes de rencontres
Le mot rencontre est évocateur d'un cocktail fait d'inconnu, de surprise et de possibilités. La rencontre du 3ème type avec des extraterrestres a occupé l'imagination des linguistes. Comment se préparer à communiquer avec des êtres aux langages inconnaissables ? La rencontre imaginée par l’écrivain Camus dans son roman "L'étranger" rappelle tout le potentiel de violence et de destruction placée en soi confronté à un autre dont on ignore tout.
Cet inconnu que l’on croise et qui nous inquiète vaguement peut s'avérer une surface d'expression à toutes nos frustrations et nos colères. À observer l'espacement de la canopée des arbres, la rencontre peut aussi se comprendre comme un art de l'évitement. Et si nous vivions aussi cette timidité des arbres ? Et si nous cherchions par une accumulation de protocoles, de rituels de prévention à filtrer tout ce qui pourrait nous perturber? N'est-il pas comique que des coachs et des facilitateurs prennent tant de précautions et posent des cadres de relation prônant bienveillance, confidentialité et écoute comme si cela n’était pas naturel ?
La rencontre est au cœur de la sérendipité, c'est à dire d’une confrontation des cerveaux préparés et du hasard. La rencontre entre cultures oblige à faire un pas en dehors de ses habitudes et croyances les plus ancrées. Et si la rencontre était le passage par l'autre pour savoir qui l'on est soi-même, ce à quoi nous tenons absolument ?
La danse est un art de la rencontre des corps à l'occasion de laquelle des micro ajustements nous traversent pour nous synchroniser. Elle nous rappelle l'importance des rythmes, de la force du mouvement et du plaisir de glisser.
Depuis peu la rencontre en ligne et les fameux "sites de rencontres" activent nos esprits. Ceci étant, on s'amusera à observer les clivages qui s'organisent entre groupes qui cherchent à rester entre eux. Il est en effet possible de vivre des rencontres entre soi et de rester sourd à ce qui nous dérange et provient d’un autre monde. Ce type de rencontres conforte nos croyances et les chemins tous tracés de nos vies.
Le moment mystérieux à l'occasion duquel se dénouent des inconnus.
À ce moment des croyances, des représentations, des corps, des émotions, des gestes se croisent et viennent chambouler le milieu que chacun s'est construit.
Il y a une telle part de mystère, que chacun cherche à se construire une protection à border un cadre de confiance, à faire valoir sa spécificité pour maîtriser là où il se laissera toucher. Certains surjouent la timidité pendant que d'autres prennent la lumière pour briller dans la rencontre.
La vie pourrait être un art de la rencontre. D'ailleurs l'art de la rencontre est célébré en éducation par Albert Jacquard. Il préconise d'en faire un enseignement scolaire à part entière. Ceci est une excellente idée car nos vies sont tissées de rencontres et reconnaître en chacune d'elle ce qui nous transforme et nous transporte serait un atout pour apprendre de nos expériences tout au long de nos vies.
Cet apprentissage de l'altérité par le questionnement tranche avec les usages qui consistent à placer une étiquette sur les autres ou à poser un pronostic définitif. Se rencontrer est difficile car nous ne savons pas ce que nous donnons dans l'échange et que nous sommes dans la totale incertitude de ce que nous recevons. La rencontre n'est jamais figée, elle est en devenir.
En facilitation la rencontre est un moment propice à l'émergence
La rencontre est multipolaire, elle concerne les personnes, les situations, le savoir, les intentions. Elles met face à face les représentations et plus encore les projections sur autrui. Souvent il est attribué au formateur une vigilance sur le cadre garantissant la bonne médiation d'un contenu, il est également attribué aux coachs une posture haute sur les processus et leurs équilibres.
De nombreux facilitateurs sont d'anciens coachs et ils imaginent utiliser la même posture pour faciliter les groupes, cependant en facilitation, c'est à dire dans l'art de rendre simple, il semble qu'il ne saurait y avoir à aucun moment une posture haute. Il s'agit surtout de faire circuler de l'énergie, du leadership et d'enrichir du sens, c’est pourquoi cette intention ne saurait être placée sous la responsabilité d'un seul.
Dans l'idée de la maîtrise du processus par les facilitateurs, la question du « pouvoir sur » ou du « pouvoir de » s'est contentée de glisser de la maîtrise du contenu à la maîtrise de la forme. Toujours, la question du pouvoir est présente dans la rencontre. Que va t- Il se passer ? Quelles marges d'incertitudes vont être maîtrisées par qui? Que fera le médiateur animateur ou facilitateur ?
Le pouvoir sur l'autre ou le pouvoir d'initiatives se jouent dans la rencontre. Ce que je suis va t'il pouvoir s'exprimer et être reconnu ? Quelles incertitudes sont acceptables pour moi?
C'est l'imprévisible du vivant qui prédomine
Illustration : TarasMalyarevich - DepositProtos
Sources
Canal U. Albert Jacquard. L'art de la rencontre https://www.canal-u.tv/chaines/pf/jacquard-albert/education-l-art-de-la-rencontre
Recherche action. Ici est enseigne l'art de la rencontre http://recherche-action.fr/intermedes/2011/10/21/ici-est-enseigne-lart-de-la-rencontre-albert-jacquard/
L'art de la rencontre : pratiques collaboratives https://youtu.be/gS7UkKPqCYA
L'art de la rencontre induite/non-induite dans le milieu de la santé à Montréal https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/handle/1866/23388
Françoise Hatchuel (2003), Pour une anthropologie clinique de la rencontre pédagogique Spirale - Revue de recherches en éducation Année 2003 31 pp. 91-103 https://www.persee.fr/doc/spira_0994-3722_2003_num_31_1_1413
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