Articles

Publié le 01 mars 2023 Mis à jour le 01 mars 2023

Quand les organismes de formation se transforment en organisation apprenantes

Apprendre grace à des processus organisationnels vertueux

Travailleurs de bureau

“La raison d’être d'une organisation  est de permettre à des gens ordinaires de faire des choses extraordinaires.”

Peter Drucker 

“La raison d'être d'une organisation apprenante est de permettre à des apprenants ordinaires  d’apprendre des choses extraordinaires.”

Peter Drucker, un peu modifié

Histoires d’apprendre dans les organisations éducatives

Les universités d’entreprise sont des espaces organisationnels inventés dans les grandes compagnies après guerre pour développer l’apprenance. En grossissant, en particulier à l’international, et en changeant d'échelle, les grandes entreprises ont en effet compris qu'elles généraient des comportements organisationnels et que ceux-ci avaient une influence sur leur performance.

Dans un premier temps elles ont structuré des services formation avec des logiques de catalogue de stages, puis pour aller plus loin, elles ont créé des dispositifs se maillant à la vie des affaires, à la gestion des carrière, à la conduite des projets, à la veille ou à l’innovation pour développer des savoir-faire individuels et collectifs dans l’action, pour apprendre plus vite que la concurrence. Elles ont identifié que les connaissances tacites individuelles et collectives recélaient une grande valeur pour leur développement.  Progressivement elles se sont aperçues qu'elles bâtissaient des cultures favorables à l'apprentissage. Elles savaient organiser des boucles de réflexivité sur leurs comportements organisationnels. Elles apprenaient à faire évoluer leurs modèles mentaux, à réagir aux aléas ou aux situations variées rencontrés, à anticiper les évolutions des systèmes dans lesquelles elles étaient intriquées.

La réflexion sur le rôle des organisations ne s’est pas cantonnée au seul registre des affaires et a également interpellé le monde éducatif.  “L'université  apprenante” est une expression surprenante laissant à penser que des universités pourraient être ignorantes ou désapprenantes.  Là encore, il faut comprendre l'expression comme un enjeu de mise en mouvement et de prise de conscience collective, que l'apprentissage dépasse le simple transfert de données de cerveau à cerveau dans une salle dédiée à cet effet. Même si la pratique de l’apprentissage dans un espace  convenu est codifiée depuis le XVIème siècle, les différentes découvertes pédagogiques attestent que l’on apprend partout et tout le temps. Comment prendre en compte des effets favorables des structures organisationnelles sur l’apprentissage?

Faciliter l'apprentissage

Dès 1997, Hélène Trocmé-Fabre décrit le besoin des universités contemporaines : “Il s'agit, pour l'Université d'aujourd'hui, de combler une absence : celle d'un espace-temps entre trois types d' expertise :

  • l'expertise du domaine (connaissances factuelles, règles de base, savoir-faire et raisonnements spécifiques...),
  • l'expertise pédagogique (didactique et ingénierie de la formation), et
  • l'expertise du modèle de l'apprenant (opérations mentales en jeu, "référentiel cognitif".

Pourtant, à lire les critères d'évaluation et de reconnaissance des enseignants ou les normes de gestion universitaire, l'Université survalorise les expertises et savoirs et, trop souvent, néglige pédagogie et désir d'apprendre. L'enseignant chercheur a en effet plus de chance de progresser dans sa carrière et sa rémunération s’il publie un article de recherche dans une revue classée, plutôt que si sa pédagogie est appréciée par ses apprenants.

Devenir une université apprenante signifierait transformer les modes de gestion pour développer des comportements vertueux en matière d'apprentissage collectif. Il s'agit de s'appliquer à nouer des liens entre les expertises disjointes du domaine, de la pédagogie et de l'apprenant. Ces liens se font par les choix organisationnels ou, dit autrement, il s'agit de créer une culture d’apprentissage qui déborde de la seule expression des contenus en salle et intègre une approche pédagogique et une véritable place pour l’apprenant.

Le principe de la fonction, de la façon

Ce qui est vrai pour les universités l’est également de la plupart des acteurs éducatifs. Les circonstances obligent aujourd'hui à faire bouger les habitudes.  Ainsi, les organismes de formation font face à une motivation aléatoire de leurs publics face à une offre trop souvent standardisée en mode stages qui peine à attirer et capter l'attention. Pourtant une recherche réalisée par Sol France montre la capacité de certaines structures à initier des processus de transformation parfois en prenant des chemins de traverse comme le CNFPT qui a modifié les rapports aux savoirs

  • en agissant sur les espaces de formation,
  • en promouvant des approches projets,
  • en créant une coopérative pédagogique pour ses formateurs,
  • en initiant des espaces de recherche et de dialogue en instaurant des pratiques de codesign,
  • en promouvant un esprit communautaire et des apprentissages en réseau.

En modifiant la façon d’interagir de ses permanents, c’est tout un environnement qui vient enrichir l’offre traditionnelle de stage. Et c’est notamment lors de la crise Covid que le rôle de cet environnement est particulièrement visible (voir la recherche action de Sol France sur le l’accélération de l’apprenance lors de la crise Covid).  Faire changer leur rapport au savoir des professionnels éducatifs et formatifs (formateur, concepteur, administrateur), contribue à distiller la possibilité de nouvelles pratiques pour les apprenants bénéficiaires finaux des institutions éducatives et formatives.

Les élèves plus jeunes sont aussi concernés. L’idée de “lycées apprenants” marque un décalage vers  “des modèles de formation collaborative" qui se développent au sein d’établissements dits apprenants où la réflexion collective est enrichie par les apports de chacun. Le cœur de l’approche vise ici à sortir l’enseignant de sa solitude face à une classe de plus en plus difficile à faire progresser et à installer plus systématiquement des stratégies collectives pour répondre aux problématiques de la transformation des élèves dans leur rapport aux savoirs.

Le lycée apprenant serait donc, selon ses promoteurs, un effort de remettre du collectif dans les équipes d’enseignants au-delà de la seule rencontre physique au gré d’une pause dans la “salle de profs” tournant parfois au défouloir émotionnel. Faire projet collectif d’apprentissage est la visée du lycée apprenant.  Si le lycée apprenant s’efforce de faire changer de regard sur un espace physique et les activités dans la même veine les “vacances apprenantes”, on regarde autrement un espace temps jusqu’alors sans intention explicite d’apprentissage pour “assurer la consolidation des apprentissages et de contribuer à l’épanouissement personnel des jeunes à travers des activités culturelles, sportives et de loisirs, encadrées par des professionnels”.

S’il existe toujours des apprentissages informels quoique nous entreprenions pendant les vacances, il s’agit cette fois d’être plus explicite et de porter un regard avisé sur ce qui est vécu pour en extraire une leçon de vie. Il s’agit alors d’un effort pour rendre formel ce qui jusqu’alors demeurait informel, à l’exception du devoir scolaire de reprise d’année qui s’exprimait sous la forme d’un texte à écrire du type “qu’avez vous fait ou appris pendant vos vacances”

Le développement de pratiques pour devenir un acteur éducatif apprenant

Tous les acteurs dotés de la mission d’enseigner et d’apprendre s’appliquent désormais à eux même des stratégies pour augmenter le regard réflexif sur leurs pratiques, ou bien s’efforcent de développer ce regard chez leurs récipiendaires. Ce regard réflexif contribue à changer leur regard sur leurs apprenants et permet d’introduire des pratiques innovantes. 

Plusieurs axes sont identifiables pour se développer en tant qu'organisme éducatif promouvant le désir d'apprendre.

  • L’axe principal consiste probablement à établir une culture de l’apprentissage, c’est à dire à encourager les employés à apprendre constamment et à partager leurs connaissances. Pour se faire, il s’agit de développer des programmes de formation en interne et d’encourager les employés à développer leurs compétences et à se perfectionner et donc à créer des opportunités de collaboration à favoriser la collaboration entre les employés pour échanger  des connaissances et résoudre les problèmes ensemble. Dès lors, encourager la prise de risques donne la possibilité aux collaborateurs d’essayer de nouvelles idées et d’apprendre de leurs erreurs devient un axe clé.

  • Un deuxième axe consiste à soutenir la diversité et l’inclusion, à créer une culture où les différences sont valorisées et où les employés peuvent apprendre les uns des autres, à fournir des rétroactions régulières, à  offrir des commentaires constructifs pour aider les employés à développer leurs compétences et à atteindre leurs objectifs.

  • L’axe technologique est également mobilisable. Pour cela, il s’agit de faire de la technologie un outil de formation et d’utiliser les outils numériques pour renforcer l’apprentissage  et la collaboration entre employés.

  • Un quatrième axe consiste à créer un environnement d’apprentissage agréable stimulant et propice à l’apprentissage. Un tel environnement permet de promouvoir la responsabilisation et encourage les employés à prendre en charge leur propre développement professionnel.

Toutes ces actions conjuguées vont développer une culture d’apprenance. L’ensemble de la démarche gagnera à être piloté par un un système de suivi des performances et des appétences pour évaluer l’efficacité des programmes de formation et d’apprentissages et ajuster les stratégies en conséquence. Car c’est toujours dans la rétroaction des comportements organisationnels que ceux-ci sont susceptibles d’évoluer et d’être adaptés en fonction des réactions et initiatives des différents acteurs.


Sources

Thot Cursus. Organisation apprenante, la transformation numérique de la formation
https://cursus.edu/fr/11030/organisation-apprenante-la-transformation-numerique-de-la-formation  

Centre-inffo. Comment devenir une entreprise apprenante?  
https://www.centre-inffo.fr/site-centre-inffo/comment-devenir-une-entreprise-apprenante
  

Ciret  Apprendre aujourd'hui, dans une Université apprenante
https://ciret-transdisciplinarity.org/locarno/loca5c8.php
  

Sol France Recherche action https://www.solfrance.org/recherche-action  

Education.gouv vacances apprenantes https://www.education.gouv.fr/ete-2022-les-vacances-apprenantes-303834  

Thot Cursus Les universités d’entreprise et autres collaborations  
https://cursus.edu/fr/11388/les-universites-dentreprises-et-autres-collaborations
  

Centre-inffo. Une recherche sur l’actualité des organisations apprenantes 
https://www.centre-inffo.fr/innovation-formation/articles/une-recherche-sur-lactualite-des-organisations-apprenantes
  

Wikiliberal. La connaissance tacite  - https://www.wikiberal.org/wiki/Connaissance_tacite


Voir plus d'articles de cet auteur

Le fil RSS de Thot Cursus via Feed Burner.


Les tweets de @Thot


Accédez à des services exclusifs gratuitement

Inscrivez-vous et recevez des infolettres sur :

  • Les cours
  • Les ressources d’apprentissage
  • Le dossier de la semaine
  • Les événements
  • Les technologies

De plus, indexez vos ressources préférées dans vos propres dossiers et retrouvez votre historique de consultation.

M’abonner à l'infolettre

Superprof : la plateforme pour trouver les meilleurs professeurs particuliers en France (mais aussi en Belgique et en Suisse)


Effectuez une demande d'extrait d'acte de naissance en ligne !


Ajouter à mes listes de lecture


Créer une liste de lecture

Recevez nos nouvelles par courriel

Chaque jour, restez informé sur l’apprentissage numérique sous toutes ses formes. Des idées et des ressources intéressantes. Profitez-en, c’est gratuit !