Baratin, foutaise, connerie... Les traductions ne manquent pas pour évoquer le «bullshit» analysé par le sociologue Harry Frankfurt et plus récemment par Sebastian Dieguez. Indifférente aux catégories de « vrai » et de « faux », et davantage sensible à l’émotion, à la sincérité, à l’engagement des propos, cette forme de communication représente un problème. Mais comment lutter, quand la réfutation bouscule à peine ces « foutaises » ?
Quand la vérité n'est plus un critère
Harry Frankfurt analyse les foutaises dès 2005 dans un ouvrage très court, De l’art de dire des conneries rédigé vingt ans plus tôt sans intention de publication. Son étude montre que les catégories de mensonge et de vérité n’ont que peu de pertinence pour ceux qui pratiquent le bullshit, traduit en français par « foutaise », « baratin » ou « conneries », au pluriel.
Démentir ou démontrer l’erreur d’une « foutaise » est inutile. Alors que le menteur ne peut agir que s’il y a une vérité, et si des personnes pensent ses affirmations vraies, le baratineur est en revanche indifférent à cette question de la vérité. Pour Harry Frankfurt, c’est ce qui le rend encore plus dangereux !
« Un monde de mensonges responsables est peut-être plus sûr qu’un monde de conneries irresponsables, où personne ne se donne la peine de mesurer ses actes de parole trompeurs à leurs conséquences ».
Cet auteur donne des exemples d’affirmations creuses, qui annoncent par exemple qu’un « changement est inéluctable » ou que « la situation s’améliore », en restant à un niveau de généralité tel qu’il est impossible de les confirmer ou d’infirmer.
Dix ans après la sortie de l’art de dire des conneries et plus de trente ans après sa rédaction, Internet a largement étendu la production, la diffusion et l’impact des « conneries ». Face à ce déferlement, certains ne ménagent pas leurs efforts pour apporter des explications, des rectifications plus ou moins agacées. Peine perdue... ou presque. La sincérité, l’indignation et l’émotion sont des vecteurs d’adhésion beaucoup plus forts que la démonstration logique ou scientifique.
" Parler avec détermination, être persuasif, sincère, authentique l’emporte sur l’exactitude des propos. Ce qui me parle, ce qui me semble vrai est ma vérité ».
Sébastien DIEGUEZ
Comme les auteurs ne s’embarrassent pas de vérité ni de cohérence, les efforts pour les démentir sont vains, voire contre-productifs. Si vous les contestez, c’est bien la preuve qu’ils dérangent. Et s’ils dérangent, c’est qu’ils ont mis le doigt sur un scandale, une raison de s’indigner ou de dénoncer.
L’humour comme antidote
Si la réfutation est impossible, et si avancer des arguments est contre-productif, que peut-on faire ? Doit-on se contenter de rester inactif en espérant que le flot des réseaux sociaux emporte les baratins ? Sebastian DIEGUEZ, l’auteur de Total bullshit nous suggère une autre voie : l’humour, la dérision.
Les personnes qui propagent des informations fausses et farfelues sont souvent à la recherche de reconnaissance. Certains jouissent du sentiment de puissance que procure la diffusion des infox. Les réactions sérieuses ne font que renforcer la visibilité et donnent de l’importance aux personnes qui les créent et les relaient.
En revanche, en tournant en dérision, en faisant apparaître comme ridicules certaines affirmations, on s’attaque au pouvoir de séduction des infox. Parmi les motivations de ceux qui les diffusent, il y a le sentiment d’être au-dessus des autres, de se donner l’image positive de celui ou celle qui n’est pas crédule, et qui sait bien qu’on lui ment. L’humour vient davantage bousculer cette image de soi que des réfutations par des personnes qui se situeraient sur la défensive.
Le compte YouTube « la tronche en biais » manie l’humour et la mise en scène pour promouvoir la zététique, c’est-à-dire la curiosité. Le personnage qui nous parle ressemble aux savants fous des films et bandes dessinées populaires, mais le contenu est précis et se donne pour mission de nous rendre intellectuellement plus exigeants.
Le personnage scientifique, aidé d’une serpillère contestataire nous apporte un éclairage précis sur les biais cognitifs qui nous incitent à donner foi à des informations fausses. Ces vidéos s'intègrent dans une démarche plus large, portée par le site « la menace théoriste », qui manie l’humour, mais aussi la polémique pour déboulonner des théories non fondées scientifiquement.
Face aux affirmations qui ne s'inquiètent plus de la vérité, les réponses brutales, les explications patientes, les ricannements humiliants fonctionnent peu. Un humour sans sarcasme accompagné ou non d'explications détaillées permet au moins de ne pas perdre son énergie dans des invectives stériles.
Cette technique n'est pas récente. Publié en 1864, l'art d'avoir toujours raison, d'Arthur Schopenhauer démonte avec jubilation toutes les techniques rhétoriques qui permettent d'argumenter dans le vide. Plus récemment, en 2014, Nicolas Tenaillon a publié l'art d'avoir toujours raison (sans peine) où il nous donne 40 stratagèmes pour clouer le bec à ses interlocuteurs.
Désinformation, réinformation, fake news… depuis quelques temps, le numérique semble devenu fou à l’ère de la post-vérité. Une fois la rumeur lancée, elle laisse toujours des traces : “ce n’est quand même pas dit par hasard”. Une solution pour nos élèves : le fact-checking, la vérification des faits, y compris les «faits alternatifs».
Faux et faussaires en art. On peut aussi copier des œuvres qui ont une valeur historique immense pour en mieux comprendre la technique et la signification, à la manière des copistes, ou pour les faire connaître ailleurs et au plus grand nombre.
Conseils techniques aux professionnels de l’éducation sur les moyens à mettre en œuvre pour s’attaquer aux problèmes spécifiques que pose l’extrémisme violent des jeunes. Une solution unique n’existe pas et l’art oratoire n’est qu’une des méthodes éducatives d’appui à la prévention de l’extrémisme violent et à l'augmentation de la résilience des jeunes face aux discours de haine et à la propagande qui légitiment le recours à la violence.
Un rapport européen nous propose un état de la littérature et de la recherche économique sur la transformation digitale du marché de l’information et nous livre quelques éléments de compréhension, sous le prisme économique, de la course vers la désinformation... et de la propagation de fausses nouvelles.
Si le monde journalistique devait déjà composer avec un public habitué aux informations gratuites en ligne, il se retrouve maintenant devant un autre adversaire de taille : les fausses nouvelles. Ces dernières pullulent sur les réseaux sociaux et les gens ont tendance à davantage les croire que celles qui les confrontent. Et si la technologie des chaînes de blocs pouvait aider à authentifier les infos et contrer les canulars?
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