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Publié le 27 juin 2011 Mis à jour le 27 juin 2011

Tous des génies ?

Et si le génie naissait de la stimulation plutôt que de la chance d'avoir un cerveau hors norme à la naissance ?

Génial ! Le mot a envahi notre vocabulaire pour désigner des choses, des faits ou des personnes qui nous étonnent par leur perfection. Un être génial est celui qui réussit mieux que quiconque, et souvent par d'autres voies. 

Peut-on apprendre à devenir génial ? La croyance populaire répond à cette question par la négative. Mozart était génial, Léonard de Vinci et Einstein également. Et Picasso ? Oui, diront certains, en oubliant que le maître de la peinture du XXe siècle affirmait que le talent, c'est 10 % d'inspiration et 90 % de travail.

Alors voilà : certains ont la chance de naître géniaux, et d'autres pas. Ces derniers doivent travailler sans relâche pour atteindre des résultats corrects. C'est comme ça, c'est inscrit dans les gènes !

Eh bien, il semble que cela ne soit pas vrai. Un article écrit par David Shenk et publié au début de l’année 2011 dans BBC Magazine rend compte de l'état des recherches effectuées en neurosciences et explique que potentiellement, nous pourrions tous être des génies ou, du moins, faire beaucoup mieux que ce à quoi nous sommes habitués. 

Un cerveau malléable

Inné contre acquis : c'est bien de ce débat dont il est question. Et les plus récentes découvertes font constamment perdre du terrain à l'inné, en matière d'intelligence tout du moins. En fait, l'encéphale se modifie en permanence sous l'effet de son environnement, de ce que l'être vivant doit faire pour s'y adapter et y évoluer.

Un exemple éloquent : le cerveau des chauffeurs de taxi londoniens présente les mêmes modifications de l'hippocampe postérieur que celui des violonistes, des personnes lisant le braille et de celles qui pratiquent la méditation. Dans tous ces cas, la modification est intervenue sous l'effet de l'entraînement. Et même s'il serait un peu hasardeux de mettre le chauffeur de taxi au violon et l'adepte de la méditation au volant du taxi, l'on comprend que le cerveau est bien plus q'une masse indifférenciée de neurones et de matière grise, qu'il possède d'étonnantes capacités plastiques qui réagissent à l'environnement de l'être humain. 

Les gènes ne sont pas pour autant à jeter. Certains ont des dispositions dans tel ou tel domaine, dispositions qui ne se transformeront en véritables compétences que si elles sont entretenues, développées, magnifiées par une pratique régulière.

Voilà qui devrait donner à penser aux responsables de l'institution scolaire.

Si le cerveau s’adapte, pourquoi pas nos écoles?

Albert Einstein a dit quelque chose de très révélateur sur la façon dont on évalue l’intelligence : « Everyone is a genius. But if you judge a fish on its ability to climb a tree, it will live its whole life believing that it is stupid.” Traduction: Tout le monde est un génie. Mais si l’on juge un poisson uniquement sur sa capacité à grimper un arbre, il passera toute sa vie à croire qu’il est stupide.

En 2009, nous vous avions parlé de Sir Ken Robinson et de sa formidable conférence sur la manière dont l'école tue la créativité. Selon Sir Ken Robinson, les systèmes formels d'éducation sont conçus pour former des professeurs d’université. Un modèle restreint qui tue la créativité et engendre chez beaucoup de jeunes la conviction qu’ils sont bêtes ou du moins "pas scolaires". Du coup, ne se croyant pas de taille à afrronter l’école, ils décrochent et n’activent pas les capacités qui sommeillent en eux.

Quatre ans plus tard, l’homme est revenu chez TED avec une nouvelle conférence : Comment doit-on révolutionner l’éducation? Dans son allocution pleine d’esprit et d’humour (sous-titrée en français), il affirme qu'il est aussi important d'oublier que de se souvenir, dans une dynamique permanente d'adaptation. Une tâche difficile, il en convient, et il donne un exemple très frappant : les plus de 25 ans ont en grande majorité une montre au poignet pour savoir l’heure. Or, les plus jeunes n’en ont pas. Ils n’en voient pas l’intérêt : ils peuvent avoir l’heure exacte sur leur ordinateur, leur téléphone cellulaire, leur console de jeu, etc. En fait, les plus de 25 ans pourraient aussi se débarrasser de leur montre, mais ils tiennent pour acquis que cet objet est essentiel pour se situer dans le temps.

Sir Ken Robinson préconise d'oublier deux principes qui semblent pourtant gravés dans le marbre. Premièrement, la linéarité scolaire : pour réussir selon les canons éducatifs dominants, il faut suivre un cursus défini et le réussir dans son intégralité. Or, la vie n’est pas linéaire, mais organique. On découvre et on acquiert ses talents au gré des hasards et des circonstances, à condition de savoir tirer profit de ses expériences. Mais nos systèmes scolaires préparent presque uniquement à la poursuite d'études supérieures. Pourtant, de nombreux élèves n'auront absolument pas besoin de ce bagage intellectuel spécifique pour réussir. Sir Ken Robinson donne un exemple si révélateur qu'on se demande si'l n'a pas été inventé de toutes pièces : un homme affirmait déjà, étant jeune, qu’il voulait être pompier. Un de ses instituteurs au primaire le ridiculisait : « Tu peux faire beaucoup plus qu'une carrière de pompier. » Têtu, le garçon a quand même suivi la voie qu’il désirait. Quelques années plus tard, il sauvait ce professeur et sa femme lors d’un grave accident d’auto.

Le deuxième principe à oublier est celui de la valeur personnelle qui se confond avec la conformité au système dominant. Robinson compare notre vision actuelle de l’éducation à la restauration rapide (fast food). En effet, tout est si standardisé que cela appauvrit, à son avis, les capacités des enfants autant que la nourriture des grandes chaînes de fast food nuit à nos corps. Il y a tant de passions et de talents, pourquoi l’école n’en récompense t-elle qu'une catégorie et met les autres au rebut ? 

Tant que nos établissements scolaires s'en tiendront à une seule façon d’enseigner et d’évaluer ses élèves, propageant l’idée que certains sont plus doués que d'autres et que l'école ne peut pas faire grand chose contre cela, nous ignorerons des milliers, voire des millions de génies qui dorment et qui n’attendent qu’une stimulation pour s’épanouir, mais qui n’auront jamais cette chance. Et ce sont nos sociétés qui paieront pour ce gaspillage. Pour M. Robinson, l’humanité vit non seulement une crise du climat environnemental, mais également une crise du climat humain qui ne peut se régler qu’en changeant le paradigme dominant en éducation. Un défi de taille, c’est peu de le dire.

"Is there a genius in all of us?”, David Shenk, BBC Magazine, 12 janvier 2011.

Bring on the learning revolution!”, conférence de Sir Ken Robinson pour TED, mai 2010

Illustration : Dirk Shaefer, Flickr, CC - BY - 2.0


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