Les premiers instruments de musique datent de plus de 40 000 ans et depuis nous n’avons cessé de perfectionner notre maîtrise du son. Passés maîtres dans la production et la reproduction des sons, à commencer par notre propre voix, nous sommes maintenant en mesure de fournir à chacun ce qu’il désire entendre et qui correspond à ses goûts grâce à l'intelligence artificielle. Nos oreilles sont sollicitées de toute part et, à la différence des yeux, elles demeurent toujours ouvertes.
Mais avec une telle efficacité dans notre satisfaction, il ne reste plus autant d’écoute pour les autres. Individuellement, nos proches ne sont pas aussi intéressants et, isolés par nos écouteurs, nous n’entendons plus autant la rumeur ambiante ni les significations qu’elle porte. L’insonorisation demeure nécessaire en ville et en région les espaces libres de bruits mécaniques sont de plus en plus rares. Dans une telle soupe sonore, la surdité sélective se développe. Notre capacité à faire abstraction de certaines catégories de sons est une particularité de nos capacités mentales.
Écouter, interpréter ce qui se dit, comprendre ce qui se passe; le traitement du son est un monde en soi. Identifier la source et son orientation, le contexte, les expressions, les intonations, la syntaxe, le volume, le débit, le rythme et même les gestes qui accompagnent la parole, tous ces éléments peuvent complètement transformer le sens de ce qui est dit et transmettre une émotion au delà même des mots. Parfois un silence bien placé dit tout. Certaines personnes savent écouter, d'autres sont sourdes même si elles entendent.
Savoir décoder la musique est un autre domaine riche de subtilités. La «culture d'oreille» est enseignée dans tous les conservatoires. Là où un quidam entend des sons, un musicien saisira la structure et l'intention du compositeur. Certaines personnes sont comme des chats, elles sont insensibles à la musique : une chaine de notes n'est pas une mélodie. D’autres perdent leur acuité auditive qui ne peut être compensée qu'en partie par les aides auditives, d’où l’importance d’alternatives de communication sans son.
Le plaisir de la musique, l’intérêt d’une histoire racontée, la connaissance retirée d’une conférence, le frisson de mots murmurés, l’apaisement des sons d’une cascade, l’émotion d’une conversation amicale... le monde sonore peut être riche comme il peut être dégradé. Notre
environnement sonore témoigne aussi de l'état de notre environnement.
Denys Lamontagne - [email protected]