Les contenus des manuels et des programmes de formation générale sont toujours âprement discutés : ils reflètent l'idéologie que l’autorité en charge souhaite transmettre; habituellement un mélange d'ouverture sur ce qui est assumé et de conceptions plus limitées sur les enjeux de pouvoir. Sans même ne rien réussir académiquement, on aura appris comment les règles s’appliquent et ce que les idéologies en place nous proposent.
Avec Internet, l’enjeu idéologique s’est déplacé vers les algorithmes car ils peuvent être programmés avec des biais, les bases de données être alimentées de données partielles ou fausses et des intelligences artificielles en conclure des préjugés. Comme Internet est devenu la principale source de références éducatives et que les I.A. sont en voie de s'implanter dans les écoles, le sujet du contrôle des I.A. est aussi crucial que celui du contrôle du contenu des manuels scolaires.
Quelles balises pourraient nous assurer ce contrôle ? Au niveau politique, on sait qu’un système est démocratique quand l’information circule, que la justice est impartiale et que la dissidence est tolérée; quelles sont les balises qui touchent l'éducation ? L’éducation nationale de chaque pays peut s’inspirer des critères et des processus de Wikipédia, la référence éducative la plus utilisée et la plus universelle.
Les sujets touchant les croyances dogmatiques ou les valeurs d’une société suscitent toujours une opposition. L’histoire nationale consensuelle est une impossibilité objective : s’il y a eu un conflit, on aura les vainqueurs et les autres. La fête nationale de l’Australie a été renommée «Le jour de l’invasion» par les aborigènes australiens. Difficile de nier le problème dans un manuel scolaire si on veut la vérité. Idem au Canada. Tous les pays ont ce genre de problème, Basques, Bretons, Chouans, Acadiens et combien d’autres peuples ont leurs histoires, souvent déformées ou niées. Aborder le colonialisme qu’il soit français, arabe, anglais, russe, chinois, hindou revient à attiser les tensions de toutes parts. Qui veut en parler dans un manuel scolaire ?
On ne trouve pas tellement d’autres solutions que l’approche «Vérité et réconciliation» et de rédiger le manuel en collaboration jusqu'à ce qu’un compromis acceptable et évolutif soit trouvé. Le dialogue est une long processus mais tant qu’on est en chemin, on progresse. Égalité des sexes, environnement, inclusion, mondialisme, nationalisme, laïcité, les sujets idéologiques ne manquent pas.
Il existe des normes pour les manuels scolaires et une échelle de valeur quant à leur objectivité. La tolérance est une valeur, l’esprit guerrier aussi, la fierté nationale n’a pas de limite… comment s’assurer que la fermeté des assises idéologiques auxquelles nous croyons, liberté, partage, ouverture, etc, puisse résister à celles fondées sur la peur ou le statu quo ?
La communication demeure l’outil fondamental d’apaisement et ce qui la favorise devient la meilleure orientation pédagogique.
Denys Lamontagne - [email protected]
Illustration : Les joies du capitalisme selon l'I.A. Lexica art.